C'est le grand soulagement chez les cinéphiles comme chez l'ensemble des Constantinois écœurés par la logique de bradage qui affecte leur ville depuis de longues années. La chambre administrative près la cour de Constantine vient, en effet, de prononcer l'annulation de l'arrêté de wilaya portant restitution de la salle Cirta aux héritiers Chentli. La cinémathèque Cirta, joyau culturel de la ville, avait été, pendant deux décennies, le théâtre de grandes manifestations cinématographiques, accueillant d'illustres personnalités du 7e art, tels que Youcef Chahine et Costa Gavras. C'était les beaux jours des cinéclubs et des panoramas du cinéma maghrébin. Mais après l'incendie qui l'a frappée en 1996, le sort n'a cessé de s'acharner contre cette salle qui va devoir résister au risque d'un changement forcé de statut. C'était l'époque du démantèlement du parc cinématographique national appuyé par l'arrêté interministériel de 1995 portant restitution ou indemnisation du fonds de commerce des salles de spectacle. Pour la mise en application, le wali de l'époque avait dû signer la restitution de la salle Cirta aux héritiers Chentli dans la hâte et sans faire une enquête approfondie sur les origines de la salle, ni distinguer entre le fonds de commerce et les murs. Suite à cela, le sort de la Cinémathèque était à deux doigts d'être scellé n'était la réaction rapide des travailleurs qui ont vite porté plainte auprès de la justice et bloqué la procédure. Dans la foulée, une poignée d'hommes de la culture et de membres de la société civile vont à leur tour créer l'Association des amis de la Cinémathèque qui a vu le jour en ayant comme première mission la défense de la salle Cirta et son avenir. En 2000, les éléments de l'association vont mener une enquête en profondeur au niveau des services des domaines du foncier et des finances. L'enquête mènera ces mêmes services à conclure, et après analyse des actions, que la salle Cirta est un bien public en ce qui concerne et les murs et le fonds de commerce. Malgré cela et avec un dossier en béton présenté au premier responsable de l'exécutif, la seule réponse était « laissez faire la justice ». C'était clair, l'Etat s'était désormais désengagé et voulait se débarrasser coûte que coûte de ces biens devenus encombrants. La tiédeur de la direction centrale de la Cinémathèque et des services du ministère de la Culture ne pouvait que confirmer cette triste réalité. A Constantine, les efforts vont se poursuivre néanmoins pour retarder la restitution en portant l'affaire jusqu'à la Cour suprême. Mais rien de cela, n'opérera un réel changement. L'annulation prononcée il y a quelques jours est due en effet à un acteur, a priori, exogène. Il s'agit de l'hôtel Cirta qui abrite la salle. Pendant les longues années de la nationalisation les établissements étaient distincts. Mais la nouvelle direction de l'hôtel a découvert qu'elle avait le droit de revendiquer la propriété grâce à des documents authentiques. Et c'est ces mêmes documents qui ont amené la justice à annuler la restitution.