L'instance indépendante tunisienne chargée du secteur des médias (INRIC) a mis en garde samedi contre toute éventuelle privatisation des médias publics, s'inquiétant de "déclarations de plus en plus insistantes" de certains dirigeants du parti islamiste Ennahda. "Les pays démocratiques ne cèdent pas leurs médias audiovisuels publics au capital privé", écrit l'INRIC, l'instance nationale pour la réforme de l'Information et de la communication, créée après la révolution pour piloter la réforme du secteur. Evoquant de "graves déclarations, de plus en plus insistantes", l'INRIC cite notamment un entretien accordé mi-avril à des quotidiens qatari et omanais par le chef du parti Ennahda, Rached Ghannouchi, dans lequel il évoque la possibilité de "prendre des mesures radicales dans le domaine de l'information dont, éventuellement, la privatisation des médias publics". L'INRIC mentionne également des déclarations du chef du bureau politique d'Ennahda, Ameur Larayedh, évoquant la privatisation. "Toutes les expériences auxquelles l'INRIC a eu accès en matière de réforme de l'information attestent que les pays démocratiques préservent et renforcent leurs médias publics et surtout leurs médias audiovisuels", écrit l'instance. "Les pays qui ont vécu la même expérience de transition démocratique que la Tunisie, à l'instar du Portugal, de l'Espagne, de la Pologne, de la Tchéquie et de l'Indonésie, n'ont pas cédé leurs médias audiovisuels publics au capital privé, malgré leur rendement discutable, le manque de compétence de leurs professionnels, et les critiques virulentes qu'ils adressaient à leurs gouvernants pendant les premières années de la transition", souligne le texte. Les relations entre les médias et le parti Ennahda, qui dirige le gouvernement, sont notoirement tendues. Les journalistes sont régulièrement accusés de systématiquement dénigrer l'action gouvernementale, voire de comploter pour renverser l'exécutif. A l'inverse, les médias soupçonnent le parti islamiste de vouloir mettre l'information en coupe réglée.