Amnesty International a appelé mardi le président égyptien Mohamed Morsi à mettre fin à la culture de brutalité et d'impunité de la police et l'armée, accusées de graves violations des droits durant la transition sous direction militaire, qui se poursuivent encore. M. Morsi "a une occasion historique de faire face au passé sanglant de la police et de l'armée, et de garantir que personne ne se place au-dessus des lois en Egypte", a estimé l'organisation de défense des droits de l'Homme en présentant au Caire deux rapports mettant en cause ces institutions. Amnesty y dénonce "les homicides illégaux, le recours excessif à la force, les actes de torture et autres mauvais traitements infligés aux manifestants, tant par les militaires que par les policiers" quand le pays était dirigé par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), de la chute de Hosni Moubarak en février 2011 à la prise de fonctions de M. Morsi en juin 2012. M. Morsi, issu des Frères musulmans et premier chef d'Etat démocratiquement élu du pays, est également le premier président égyptien à ne pas venir des rangs de l'armée. En août dernier, il a renforcé son pouvoir en mettant à la retraite le puissant ministre de la Défense et chef du CSFA, le maréchal Hussein Tantaoui, et en reprenant à son compte le pouvoir législatif que le conseil militaire s'était réservé. "L'armée est retournée à ses casernes, mais les autorités ne doivent pas s'imaginer qu'elles peuvent balayer sous le tapis 16 mois de violations qui se sont traduites par plus de 120 morts, des milliers de personnes jugées par des tribunaux militaires et des centaines de cas de torture", a estimé la directrice adjointe d'Amnesty pour le Moyen-Orient, Hassiba Hadj Sahraoui. Selon Amnesty, qui s'appuie sur des enquêtes menées sur plusieurs manifestations réprimées par l'armée, "les tribunaux militaires n'ont fourni aucun recours aux victimes, tandis que les enquêteurs civils n'ont pas souhaité ou pas pu inculper un seul officier pour les crimes commis". "Des manifestants, hommes et femmes, ont été roués de coups, soumis à des décharges électriques, menacés de violences sexuelles et soumis à d'autres atteintes aux droits humains par les militaires", ajoute Amnesty. Le rapport consacré à la police souligne "l'impunité totale" dont elle bénéficie, une situation qui prévaut encore largement aujourd'hui. "Depuis l'élection de M. Morsi en juin 2012, les forces de sécurité ont continué à commettre des violations des droits de l'Homme", affirme le document, qui réclame des "réformes profondes" de l'appareil policier. "Aujourd'hui, la torture et d'autres exactions continuent dans l'impunité. De février 2011 à ce jour, aucune réforme significative de la police n'a été entreprise", a déclaré Mme Sahraoui. Le rapport souligne "la réponse brutale des forces de police face aux manifestations, ainsi que la pratique établie de longue date consistant à torturer les détenus et le mépris éhonté" pour les règles du droit. "La police anti-émeutes a régulièrement répondu aux manifestations pacifiques en usant d'une force excessive et meurtrière", ajoute Amnesty, qui relève que les gaz lacrymogènes et les munitions utilisées étaient d'origine américaine.