Le Parlement français s'apprêtait mardi à interdire définitivement le port du voile islamique intégral dans l'espace public avec un vote attendu du Sénat (chambre haute) qui devra toutefois encore être validé par le Conseil constitutionnel. La France, où le voile intégral est porté par quelque 1.900 femmes selon les estimations officielles, est ainsi le premier pays européen à procéder à cette interdiction généralisée. Une mesure similaire est en cours d'adoption en Belgique. L'interdiction n'entrera toutefois pas en vigueur avant le printemps 2011, une période de six mois de "pédagogie" et de "médiation" étant prévue. Dans un pays à forte tradition laïque, qui bannit le port du voile comme les autres signes religieux ostentatoires dans les écoles, ce vote intervient dans un climat apaisé. Bien loin de la tension politique qui prévalait il y a quelques mois en raison notamment du débat concomitant et hautement polémique sur l'"identité nationale". La question de l'interdiction du voile intégral avait été lancée par un parlementaire communiste, André Gerin, ancien maire de Vénissieux, banlieue de Lyon à forte population immigrée. Il avait ensuite été repris par la droite au pouvoir, Nicolas Sarkozy déclarant que la burqa n'est "pas la bienvenue sur le territoire de la République". S'il y a de fait unanimité dans la classe politique pour réprouver le port du voile intégral, que certains comparent à un "apartheid sexuel", des membres de l'opposition n'ont cessé de pointer les risques "d'inconstitutionnalité" d'une interdiction générale. Ou de "stigmatisation" des 5 à 6 millions de musulmans vivant en France, majoritairement réticents à une telle loi. Certains se demandent en outre comment, concrètement, faire respecter une telle interdiction, notamment dans les banlieues. La mise en oeuvre du texte devrait être soumise à un recours devant le Conseil constitutionnel, garant de la conformité des lois avec la Constitution, qui devrait se prononcer d'ici un mois. Selon des juristes, la France pourrait en outre s'exposer à une condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Le Conseil d'Etat, plus haute juridiction administrative, avait émis des réserves sur une interdiction généralisée du voile intégral, recommandant de la limiter à certains lieux publics (transports, administrations, commerces). Le texte ne vise pas expressément le voile intégral mais "la dissimulation du visage dans l'espace public". Ce qui comprend les rues mais aussi "les lieux ouverts au public" (commerces, transports, parcs, cafés...) ou "affectés à un service public" (mairies, écoles, hôpitaux...). Le texte interdira de fait le port du niqab (qui ne laisse voir que les yeux) ou de la burqa (qui masque l'ensemble du corps), sous peine d'une amende de 150 euros et/ou d'un stage de citoyenneté. L'interdiction n'entrera en vigueur qu'au printemps 2011 et la verbalisation ne sera pas systématique. Toute personne obligeant une femme à se voiler sera passible d'un an de prison et de 30.000 euros d'amende, selon un nouveau délit effectif sitôt la loi promulguée. Le vote s'annonce plus massif encore au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, la chambre basse du Parlement, même si certains sénateurs de gauche ne souhaitent pas, comme avant eux une majorité des députés socialistes, PCF et Verts, prendre part au vote. Au printemps, l'Assemblée avait, de manière consensuelle, voté une résolution condamnant le port du voile intégral. Cette résolution, sans pouvoir contraignant, spécifie que "les pratiques radicales attentatoires à la dignité et à l'égalité entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles le port d'un voile intégral, sont contraires aux valeurs de la République".