Ce sont des parties qui demeureront dans l'imaginaire des joueurs d'échecs comme des exemples d'imagination et de créativité et ont constitué une étape importante dans le développement et le traçage de la frontière entre la stratégie et la tactique concernant les soixante quatre cases. La partie immortelle est une célèbre partie d'échecs jouée entre Adolf Anderssen et Lionel Kieseritzky en 1851. A cette date une grande exposition se tient à Londres, attirant plusieurs dizaines de milliers de visiteurs des pays étrangers. Le Britannique Howard Staunton, considéré comme le meilleur joueur d'échecs d'Europe, souhaite se mesurer à l'élite européenne. En conséquence, plusieurs pays envoient leurs meilleurs joueurs au tournoi préparé par les soins de Staunton. Les Allemands désignent Anderssen et Karl Mayet. Staunton ne redoute pas Anderssen, alors relativement inconnu en Grande-Bretagne. En demi-finale, tous deux se font face. En cinq parties, Anderssen élimine Staunton sur le score de 4 à 1. Une défaite que Staunton ne goûte guère, mais qui assied définitivement la réputation d'Anderssen comme l'un des meilleurs joueurs d'échecs de l'époque. Quelque temps après avoir gagné le tournoi, Anderssen, le cœur léger, joue des parties libres, c'est-à-dire des parties sans enjeu et impromptues. Dans l'une de ces parties libres, il affronte Lionel Kieseritzky. C'est cette partie qu'Ernst Falkbeer appela, en 1855, «la partie immortelle» dans le magazine autrichien Wiener Schachzeitung. La Toujours Jeune est une célèbre partie d'échecs jouée par Adolf Anderssen et Jean Dufresne en 1852. NAISSANCE D'UN JOYAU Il y a un an qu'Anderssen est devenu, officieusement, champion du monde des échecs. Depuis le mémorable tournoi de 1851, il ne joue que des parties libres, pratiquant son art avec qui souhaite le confronter. C'est à Berlin que Dufresne, fort joueur allemand, croise le fer avec Anderssen. A ce moment-là, Anderssen est au meilleur de sa forme, pour le plus grand malheur de Dufresne. Maintes analyses ont été publiées pour réfuter la combinaison commençant par 19. Tad1. Cependant, aucune n'est parvenue à clore le sujet, car de nouvelles positions toutes aussi favorables aux blancs apparaissent, lesquelles donnent naissance à d'autres combinaisons, toutes aussi fantastiques. Selon, Emanuel Lasker, champion du monde de 1896 à 1921 a étudié cette partie, de 1904 à 1908, dans son Lasker's Chess Magazine. Selon Lasker, si les noirs avaient joué 19. ...Tg4, les blancs devaient répondre par 20. Fe4. Pour sauver la partie, les noirs devaient continuer par 20. ...Txg2+. D'autres analyses ont été faites, indiquant que les blancs devaient jouer 20. Fc4, ce qui donne lieu à d'autres possibilités, ne permettant pas d'affirmer de façon définitive si la combinaison d'Anderssen peut être réfutée. Jusqu'à présent , le sujet n'est toujours pas clos. Pour cette raison, face à l'armée des analystes, cette partie est qualifiée de verdoyante ou toujours reverdissante, d'où son nom de «toujours jeune». Partie n=1 Blancs : Adolf Anderssen Noirs : Lionel Kieseritzky Londres, 1851 Gambit du roi 1. e4 e5 2. f4 exf4 3. Fc4 Dh4+ 4. Rf1 b5 C'est Kieseritzky qui a découvert ce coup. Le but est d'écarter le fou du roi de la diagonale a2-g8, tout en préparant une attaque ultérieure de pions. 5. Fxb5 Cf6 6. Cf3 Dh6 Ici, les noirs se trompent. La place de la dame est en h5. Ce coup vient à l'encontre de la suite logique du coup en 5. 7. d3 Ch5 8. Ch4! Dg5 9. Cf5! c6 10. g4 Cf6 Les noirs sont maintenant acculés à la défensive. 11. Tg1! Ce magnifique sacrifice du fou ôte tout espoir de contre-attaque aux noirs. Les pièces noires développées doivent retourner à leur base. 11. ... cxb5 12. h4 Dg6 13. h5 Dg5 14. Df3 Cg8 A cause de 15. Fxf4, les noirs sont contraints d'assurer une case de retraite pour leur dame. Un cas tragi-comique ! 15. Fxf4 Df6 16. Cc3 Toutes les pièces noires sont revenues à leur base, ou presque. 16. ...Fc5 17. Cd5! Dxb2 18. Fd6! Fxg1 Les noirs ne peuvent prendre le Fd6, car la suite est forcée : 18. ...Fxd6 19. Cxd6+ Rd8 20. Cxf7+ Re8 21. Cd6+ Rd8 22. Df8 mat. Les blancs ont une telle avance de développement que la décision ne saurait tarder. 19. e5 ! La dame noire est privée de la grande diagonale. Une menace de mat, commençant par 20. Cxg7+, est aussi dans l'air. 19. ... Dxa1+ 20. Re2 Ca6 Kieseritzky s'imagine que la menace de mat est écartée, car la case c7 est protégée. C'est maintenant qu'Anderssen le surprend ! 21. Cxg7+ Rd8 22. Df6+!! Cxf6 23. Fe7 Partie n=2 Blancs : Adolf Anderssen Noirs : Jean Dufresne Gambit Evans Berlin, 1852 1. e4 e5 2. Cf3 Cc6 3. Fc4 Fc5 4. b4 Fxb4 Les gambits étaient fort populaires à l'époque, car ils favorisaient l'initiative du joueur qui les mettait en jeu. Aujourd'hui, la théorie échiquéenne a rendu son verdict : face à un adversaire désarmé, un gambit est une arme redoutable, alors que face à un joueur aguerri, elle dessert le joueur qui l'utilise, lui procurant au mieux une nulle. Anderssen, ignorant ce verdict, met au défi son adversaire. 5. c3 Fa5 6. d4 exd4 7. 0-0 d3 La suite exacte est 7. ... Cge7. Les Blancs profiteront de cette faute pour installer leur dame à un poste stratégique. Il peut sembler à première vue que les Blancs ont perdu plusieurs défenseurs, les pions à l'aile dame. Cependant, plusieurs pièces blanches sont actives à leur position de départ, favorisant une attaque rapide. Voyons ce qui s'ensuivra. 8. Db3 Df6 9. e5 Dg6 10. Te1 Cge7 11. Fa3 Les Blancs sont parvenus à créer une position offensive impressionnante : trois pièces visent l'aile roi adverse et la tour vise indirectement celui-ci. Les Noirs sont réduits à une passivité mortelle. 11. ... b512. Dxb5 Tb8 13. Da4 Fb6 14. Cbd2 Fb7 Les deux camps sont maintenant prêts à lancer leurs forces dans la bataille. 15. Ce4 Df5 15. ... 0-0 est impossible à cause de 16.Fxe7 gagnant une pièce. 16. Fxd3 Dh5 17. Cf6+ gxf6 18. exf6 Tg8 Qui pourrait croire que ce dernier coup est une faute fatale? Il faudra cinq coups de plus pour comprendre la faute. A la décharge de Dufresne, Anderssen a calculé une excellente, et inattendue, combinaison qui donnera le gain aux blancs, laquelle commence par le coup qui suit 19. Tad1 !!? Ce mouvement est à la source d'une polémique qui durera au moins un siècle. Les Blancs pouvaient renforcer, de façon décisive, leur attaque par 19. Fe4, alors que le coup retenu pouvait être réfuté par 19. ... Tg4 selon certains analystes. Anderssen joue avec une pendule : le temps de réflexion lui est compté. 19. ... Dxf3 Ce coup, évident car le pion g des Blancs est cloué, signe la perte des Noirs. La magnifique combinaison qui suit réfute le jeu des Noirs[1]. 20. Txe7+ Cxe7 21. Dxd7+! Rxd7 22. Ff5++ Re8 23. Fd7+ Rf8 24. Fxe7 mat Maintenant, l'utilité du coup 19. ... Tg4 apparaît. En effet, le roi noir avait une case de fuite : g8. Dufresne n'a pas trouvé ce coup salvateur, mais il jouait contre forte partie.