Hamadi Jebali, le Premier ministre tunisien, prend le contre-pied de Moncef Marzouki, son président. Il annonce que l'extradition d'Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, dernier Premier ministre de Mouammar Kadhafi, 67 ans, qui est incarcéré depuis son arrestation, en septembre dernier à la prison de Mornaguia, près de Tunis, est irrévocable. « l y a une décision de justice : le gouvernement et l'Etat ont pris cette décision et c'est la seule qui sera appliquée », estimant « pas nécessaire d'avoir la signature du président de la République » pour appliquer l'extradition. Pourquoi ? « La Constitution tunisienne de 1959, qui soumet l'extradition d'un étranger à la signature du président de la République, est devenue caduque » après la chute de l'ancien président Ben Ali, explique-t-il. « Un avis du tribunal administratif nous confirme que la signature du président n'est pas nécessaire », insiste-il précisant que « le gouvernement libyen nous a donné des garanties verbales et écrites de respect des droits de l'Homme, de l'intégrité physique et d'un procès équitable ». « Je ne peux pas signer l'extradition de quelqu'un qui risque d'être torturé ou exécuté. J'ai dit plusieurs fois à nos frères Libyens qu'ils ont le droit de réclamer M. Al-Mahmoudi, comme nous avons le droit de réclamer l'extradition de Ben Ali. Mais franchement, si Mahmoudi qui a commis des crimes odieux, doit être extradé, je préfère qu'il soit livré à un gouvernement élu par le peuple libyen », a déclaré publiquement, jeudi, Marzouki malgré l'existence d'un « accord de principe » conclu entre Tunis et Tripoli en mai dernier. La justice tunisienne a émis deux ordres d'extradition suite aux demandes de Tripoli, malgré l'opposition des organisations de défense des droits de l'Homme qui craignent pour la sécurité de l'ex-numéro deux libyen. Elle souhaite attendre les conclusions d'une mission tunisienne en Libye qui doit s'assurer des conditions de détention et de procès de l'ancien dirigeant libyen, pour se prononcer. Selon Adnène Mansar, le porte parole de la présidence tunisienne, « Marzouki n'est pas contre le fait que ceux qui sont accusés de crimes soient jugés ». « Avec l'accord de la Libye, une commission tunisienne va se rendre à Tripoli. Ensuite, les autorités tunisiennes, à la lumière de ce rapport, vont se prononcer sur la possibilité de l'extradition », dit-il. Les Tunisiens, qui découvrent que la troïka qui les gouverne commence à faire eau de toutes parts, se demandent qui du militant des droits de l'Homme ou du responsable d'Ennahdha, aura le dernier mot dans ce bras de fer. Selon Noureddine Bhiri, le ministre tunisien de la Justice, Al- Mahmoudi sera remis au CNT « dans les jours ou semaines à venir ». Les avocats du Libyen, comme Me Bechir Essi, parlent d'un troc : 100 millions de dollars contre cette extradition. Foued Mbazaa, l'ancien président tunisien par intérim, a refusé de signer le décret d'extradition. Selon Abdelsatar Ben Moussa, le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, le Libyen ne refuse pas d'être jugé mais souhaite l'être dans un pays autre que la Libye où, selon lui, il n'existe aucune garantie de procès régulier à l'heure actuelle.