Le sort du neveu du patron d'Ennahda, Rakik Abdessalem, accusé de corruption, et de son homologue, Nouredine Bhiri, ont été au centre du « feuilleton interminable », marqué par le refus des « ultras » d'Ennahda de lâcher du lest. Pour le dirigeant du Congrès pour la république (CPR) et porte-parole de la présidence, Adnane Mancer, la formation majoritaire d'Ennahda se « tire une balle dans les pieds ». Le partenariat souffre énormément de l'absence de tout compromis qui permet une gestion plus équilibrée de la transition démocratique en proie à de multiples défis. Dûment avalisé par le Premier ministre, Hamadi Jebali, l'échec des pourparlers, menés des semaines durant, a été dénoncé par les deux alliés d'Ennahda, le CPR et Ettakatol, qui menacent de quitter le navire. Le départ annoncé du conseiller du Président, Samir Ben Amor, préférant se consacrer à son poste au sein de l'Assemblée constituante, anticipe l'ultimatum fixé à une semaine par le CPR plaidant le changement ou la rupture. La coalition éclatée signifie l'érosion du consensus national davantage exprimée par le refus des autres partis de se joindre à une coalition jugée incapable de répondre aux exigences de la « révolution du jasmin ». La sentence est irréfutable : la coalition se vide de toute substance. Ennahda, accusée de velléités hégémoniques et de complaisance avec les salafistes, se retrouve face à son propre destin. La transition en crise « renvoie à une crise au sein de la troïka et au sein du parti Ennahda », souligne le chef du Front populaire, Hamma Hammami. De fait, le malaise nahdaoui traduit l'existence des divergences internes. L'aile modérée d'Ennahda, représentée par Jebali, contre les radicaux d'Ennahda ? Signes probants : le retrait de Jebali des travaux de la réunion d'urgence du Conseil de la choura et, plus encore, la démission du gouvernement de l'enfant terrible d'Ennahda, Lotfi Zitouni, le ministre conseiller en charge des Affaires politiques et l'homme de confiance de Rached Ghannouchi, opposé à la politique d'ouverture du Premier ministre tunisien plutôt favorable aux revendications de ses alliés de la coalition. Jebali sur le gril ? L'hypothèse est avancée par de nombreux observateurs qui ont rapidement établi le lien entre le lâchage du fidèle lieutenant et le lancement de la campagne de destitution du chef de l'exécutif, rendu coupable d'une approche incompatible avec la logique partisane. Dans sa lettre de démission, Lotfi Zitouni confirme la défiance portée envers son chef de gouvernement à qui il reproche de ne pas tenir compte de ses propositions et de porter atteinte au parti islamiste. La guerre de tranchées des ténors d'Ennahda aura-t-elle raison de la transition à la tunisienne, présentée, il y a peu, en modèle de cohabitation et de participation de toutes les forces représentatives ?