Réunies par l'Europe, l'Angleterre et l'Espagne demeurent séparées par l'Histoire. Les « ennemis jurés » européens ont, encore une fois, déterré leurs vieilles haches datées de plus de trois siècles, à l'aune de l'insoluble écueil du détroit de Gibraltar, territoire de sept kilomètres carrés cédé à la Grande-Bretagne en 1713 et revendiqué par l'Espagne. Les tensions diplomatiques se sont accrues entre les deux pays depuis la fin du mois de juillet. L'Espagne, qui a toujours nié avoir cédé éternellement ce territoire de 30.000 habitants, s'apprête à porter le contentieux devant les Nations unies ou la Cour internationale de justice de La Haye pour revendiquer ses « droits ». Mercredi dernier, les autorités britanniques de Gibraltar ont provoqué la colère de Madrid en coulant dans la Méditerranée, en baie d'Algeciras, des blocs de béton formant un récif artificiel pour tenter de mettre fin aux incursions des pêcheurs espagnols dans des eaux qu'elles considèrent comme les leurs. Le Royaume-Uni n'est pas resté les bras croisés et entend défendre sa « terre » avec tous les moyens possibles. Londres envisage de poursuivre, à son tour, l'Espagne à propos de ses contrôles « disproportionnés » à la frontière avec Gibraltar. Mais le pire est à craindre avec les démonstrations de force déroulées par les Anglais. Des navires de guerre appareillent depuis hier d'Angleterre pour des manœuvres en Méditerranée, à Gibraltar notamment, où une frégate britannique fera escale. Il s'agit d'un des quatre navires de guerre à participer aux exercices Cougar 13 en Méditerranée et dans le Golfe. Ces navires incluent aussi le porte-hélicoptères HMS Illustrious. Bien que décidés à garder le territoire sous sa souveraineté, les responsables britanniques ne pensent pas à une action armée contre leur voisin européen. Selon le ministre britannique de la Défense, Philip Hammond, il s'agit d'un déploiement de routine prévu de longue date. Face au « risque réel » de dégradation des relations anglo-espagnoles, du reste évoquée par le Premier ministre britannique, David Cameroun, la Commission européenne a proposé la semaine dernière de dépêcher, en septembre ou en octobre, un groupe d'experts à la frontière pour vérifier si les contrôles espagnols n'étaient pas « disproportionnés ». Londres et Madrid franchiront-elles le Rubicon ?