C'est une grande figure de la Révolution algérienne qui vient de disparaître. Lakhdar Bentobal est décédé samedi soir à l'age de 87 ans. A vrai dire, il y a des années que l'homme s'est éclipsé de la scène publique ne faisant des apparitions que lors de la traditionnelle réception du 1er Novembre. Né en 1923 à Beni Haroun près de Mila, il a été, dès 1940, un militant du PPA-MTLD, la branche activiste du mouvement national. Responsable du parti dans la région de Mila, il est surtout membre de l'Organisation spéciale (OS) en 1947/48. Derrière la vitrine légale du parti, l'OS se préparait à déclencher l'insurrection armée. Il est recherché par les autorités coloniales après le démantèlement de l'OS après sa condamnation par contumace en 1951 dans le procès des membres de l'OS. Certains à l'image de Ahmed Ben Bella, Mahsas ou de Benaouda seront aussi condamnés. C'est tout naturellement qu'il se retrouve dans le groupe des 22, mais au 1er Novembre 1954, le Nord-Constantinois, où est envoyé Didouche Mourad, reste calme. En septembre 1956, il est responsable de la wilaya II pour une période de sept mois succédant à Zighoud Youcef, tombé au champ d'honneur, puis accède au grade de colonel. Dirigeant de la révolution dans la wilaya II, il sera l'un des adjoints de Zirout auquel il succédera en septembre 1956. Il accède au grade de colonel et sera l'un des artisans du soulèvement du 20 août aux côtés de Ali Kafi qui sera son successeur à la tête de cette wilaya après son départ en avril 1957 en Tunisie en compagnie de Krim et Benkhedda qui fuyaient les paras de Bigeard. LE POIDS DES TROIS B Avec son teint asiatique, celui que des journalistes désigneront comme «Chinois», Bentobbal prendra de l'ampleur après le congrès de la Soummam. Il fit partie de la délégation de la wilaya II conduite par Zirout aux côtés notamment de Brahim Mezhoudi. Des photos de l'époque, visibles dans de nombreux musées et livres d'Histoire, montrent en chapeau de brousse aux côtés de Ben Mhidi, Abane. Désigné comme membre du Conseil national de la révolution (CNRA) issu du congrès en août 1956. Brahim Chibout, l'ex-ministre des Moudjahiddine; alors officier en wilaya II, se souvient d'un homme « doué d'un grand sens dorganisation et qui, même loin du théâtre des opérations, avait un lien très profond avec les moudjahiddine. Il était soucieux de discipline et accordait un intérêt particulier à l'acheminement des armes ». Son neveu, Benlaribi, estime que « c'est un homme d'une grande stature historique qui a gardé tout son poids ». « C'est pour moi le symbole du courage, de l'amour de la patrie et du sacrifice. » Après le CNRA d'août 1957 au Caire, l intègre le CCE, instance de direction collégiale. C'est l'époque que les historiens désignent comme celle des 3 B. Avec Belkacem Krim et Boussouf, Bentobal sera un des personnages clés de la direction. «Il sera mêlé, nous dit l'historien Djerbal, d'une manière directe ou indirecte à toutes les péripéties que vivra la Révolution algérienne. Les postes qu'il va occuper seront importants et stratégiques et nulle nomination ne se fera sans le consensus des 3 B». Il est en effet chargé du Département de l'intérieur et toujours membre du CCE. A la constitution en septembre 1958 du GPRA avant d'être reconduit le 18 janvier 1960 à Tripoli (Libye), Lakhdar Bentobal était membre de la délégation du GPRA aux négociations de Rousses, près de la frontière suisse du 11 au 19 février 1962 et à Evian en mars 1962. Après l'indépendance, il devient PDG de la SNS et président du conseil d'administration de L'Union arabe du fer et de l'acier, organisme inter-arabe basé à Alger à partir du 15 janvier 1972. Il s'est, comme Boussouf, mis en retrait de toute activité politique mais signera, au lendemain des événements d'Octobre, une déclaration avec notamment Bouteflika, Redha Malek… S'il a, à maintes reprises, apporté son témoignage sur le déroulement de la Révolution à travers des interviews à la presse, il n'interviendra jamais dans les nombreuses polémiques sur certains épisodes de l'Histoire. Ses mémoires posthumes lèveront-elles le voile sur ses pensées ?