Près de 5,3 millions de Tunisiens tourneront, aujourd'hui, la dernière page de la transition. Ils choisiront, en toute liberté et pour la première fois depuis leur indépendance en 1956, qui de Beji Caïd Essebsi, 88 ans, qualifié « de candidat de l'ancien régime et des médias », ou Moncef Marzouki, 69 ans, présenté comme « le candidat des islamistes », sera leur président. 36.000 militaires ont été mobilisés pour sécuriser cette présidentielle. Beji Caïd Essebsi, le président fondateur de Nidaa Tounès qui est arrivé en tête des législatives le 23 octobre dernier, - il dispose de 85 des 217 sièges du Parlement contre 69 élus pour Ennahda - est donné favori, même s'il charrie des membres de l'ancien régime. Un retour que certains présentent comme un compromis nécessaire pour sauver la « Révolution » et éviter le chaos libyen. Ses partisans l'inscrivent dans la lignée de Habib Bourguiba, le père de l'indépendance et le présentent volontiers comme un rempart contre l'islamisation rampante de la société et les menaces des groupes jihadistes qui poussent comme des champignons depuis quelque temps. Outre Nidaa Tounes, Caïd Essebsi bénéficie d'un franc soutien des mouvements issus du RCD du président Ben Ali et de partis comme l'Union patriotique libre, Afaq Tounès, le Front populaire qui compte onze partis et une nuée de « micropartis ». Moncef Marzouki (Congrès pour la République, CPR, gauche), élu président par l'Assemblée constituante à titre provisoire en décembre 2011, a obtenu, au premier tour organisé le 23 novembre dernier, 33,43 % des voix, pas trop loin des 39,46% de son rival qu'il pointe du doigt comme cacique de l'ancien régime et rappelle qu'il fait l'objet d'une plainte pour « torture et homicide volontaire », dans le cadre de la répression d'opposants, alors qu'il était en charge du Premier ministère. En campagne électorale, il a prôné le rééquilibrage du paysage politique et mis en garde contre l'« hégémonie » si les deux têtes de l'exécutif, présidence et gouvernement et le Parlement venaient à être présidés par un seul parti. Le président sortant, qui estime avoir empêché le chaos par son alliance avec les islamistes, bénéficie du soutien de son CPR, de plusieurs partis de droite dont le mouvement Wafa, de petits partis islamistes comme al Bina et ... 73% des électeurs d'Ennahdha. Même si le Majless Choura, parti de Ghannouchi, qui identifie Caïd Essebsi comme un « anti-islamiste », n'a pris parti pour aucun candidat. En cas de ballottage, la loi électorale favorise le candidat le plus âgé. La Tunisie se dotera, avec cette élection, - si le candidat malheureux accepte le résultat des urnes et n'appelle pas à des protestas - d'un pouvoir stable qui se chargera de la gestion des affaires publiques du pays pendant cinq années partant d'un consensus entre les partis politiques. Parallèlement à cette présidentielle, les tractations pour la formation d'un gouvernement qui pourrait prendre à bras-le-corps les questions économiques, la lutte contre le chômage, les problématiques sociales, la lutte contre le terrorisme etc. continuent.