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Y a-t-il corruption dans la justice américaine ?
Lutte contre le téléchargement sur internet
Publié dans Horizons le 07 - 01 - 2015

L'affaire du piratage de Sony Pictures par un groupe de hackers qui menace de dévoiler des fichiers sensibles pris de son système informatique et contraint le géant à annuler puis à reprogrammer en dernière minute la sortie de son dernier film The Interview, n'a pas encore livré tous ses secrets, loin s'en faut, pour savoir notamment qui est derrière une telle prouesse technologique et pour quels intérêts. Beaucoup de bruit a entouré l'affaire à l'intervention musclée de la police fédérale américaine (FBI) relayée par le président Obama, et a ainsi concentré l'attention des observateurs et de la presse qui, pour beaucoup, n'ont pas eu le temps ni le recul pour démêler les mailles de cette affaire compliquée. Tour à tour, la Corée du Nord, puis la Chine en tant que son fournisseur principal d'accès à internet ont été publiquement mises à l'index sans réelles preuves pour le moment. Alors que l'on s'attendait à un développement sur la scène américaine pour savoir par exemple quand et comment le gouvernement d'Obama allait réagir, voilà qu'éclate une autre affaire dans l'affaire. Parmi les fichiers croustillants subtilisés par les hackers dans les entrailles numériques de la société Sony Pictures, certains n'ont pas tardé à trouver le chemin des rédactions de presse pour laisser transparaitre un autre scandale mettant en cause les agissements d'un procureur un peu trop zélé contre la politique de protection des droits d'auteur adoptée essentiellement pas Google. Suffisant pour relancer la polémique sur les liens un peu trop intéressés, longtemps dénoncés par de nombreux acteurs, entre la justice américaine et le lobby de l'industrie cinématographique. Le site d'information français numerama.com qui ouvre son papier en avançant que « Hollywood tenait la plume du procureur », s'est intéressé aux détails d'une « enquête du New York Times réalisée pour partie grâce au piratage des serveurs de Sony » pour avancer que « la MPAA est très proche du procureur le plus actif contre Google aux Etats-Unis, et que le lobby était derrière les demandes faites à Google de censurer beaucoup plus drastiquement ses résultats de recherche. » Le site rappelle à l'occasion les déboires de l'ancien patron du site de téléchargement MegaUpload, réduit au silence par la justice américaine sur pression de la MPAA et qui en son temps avait lui aussi crié haut et fort que « la justice américaine est corrompue dans sa lutte contre les sites de piratage, et pointe du doigt en particulier l'action de la MPAA, le principal lobby des studios de cinéma à Hollywood », selon numerama.com qui rappelle que King Dotcom n'est tout de même pas parvenu « à prouver ses accusations, malgré les 5 millions de dollars offerts à qui lui apporterait la preuve sur un plateau. » Voilà donc que l'affaire Sony Pictures relance cette polémique de façon imprévue et ce malgré le déluge de menaces déversées par Sony contre les organes de presse qui s'amuseraient à se faire l'écho des informations piratées de son système informatique. Ceci n'a apparemment pas trop impressionné le New York Times qui s'en est allé voir dans les fichiers pour relever « qu'au moins un procureur américain avait travaillé de façon on ne peut plus étroite avec la MPAA, pour préparer des dossiers de mise en accusation contre Google », rapporte numerama.fr qui relate les contours de cette affaire enrobés dans un fameux projet, dévoilé par les hackers, avec comme nom Goliath, à travers lequel l'industrie cinématographique aurait concocté un plan de bataille, notamment juridique et de relations publiques pour mettre Google en difficulté, sur ses présumés facilitations d'accès aux contenus audiovisuels protégés. Sans avoir été cité, Google a été de facto identifié par la presse comme ce « Goliath » contre lequel l'industrie cinématographique a mobilisé d'énormes moyens financiers. Il est en effet considéré « comme une source de problèmes, accusé par les studios d'encourager le téléchargement illégal en indexant des liens vers des sites de partage de fichiers » selon le site du quotidien gratuit français www.20minutes.fr qui rapporte de son côté que « les studios de cinéma ont convenu de s'associer, sur plusieurs années, pour contrer Goliath. ». Le contenu du projet porte sur la mobilisation des procureurs généraux américains pour les amener à diligenter des actions à l'encontre de Google, et ce, précise le même site, « en leur allouant par exemple un budget de 500.000 dollars pour s'offrir les services du cabinet d'avocats de la MPAA, Jenner & Block », ajoutant qu'un autre « projet Keystone, doté de 70.000 dollars, vise à mener une enquête contre Goliath afin de collecter des preuves, et d'encourager d'autres actions en justice contre le géant du Web. » Parmi les premiers journaux à avoir mis le « nez » dans l'affaire, sur la base d'informations contenues dans les fichiers dérobés de chez Sony Pictures, et de renseignements obtenus de sources officielles, le New York Times a effectué un véritable zoom sur les activités d'un procureur, Jim Hood que numerama.fr présente comme « particulièrement sensible à la cause des studios de cinéma, et qui voue une véritable détestation à l'égard de Google, qu'il n'a jamais cachée à coup de lettres et de procédures judiciaires en série. » Pour étayer son propos, le New York Times publie quelques passages d'une lettre du procureur adressée en novembre 2013 à Google dans laquelle il fait savoir que « depuis 10 ans que je suis avocat général, j'ai eu affaire à beaucoup de malfaiteurs de grandes entreprises. Je dois dire que la vôtre est la première que je rencontre qui n'a aucune conscience d'entreprise pour la sécurité de ses clients, la viabilité des autres entreprises, ou l'impact économique négatif sur la nation qui a permis à votre entreprise de prospérer ». La missive fourrée de menaces explicites du magistrat était destinée à pointer les défaillances de Google en matière de filtrage de ses résultats de recherche. Le journal new-yorkais est arrivé à la conclusion qu'elle « a été presque entièrement rédigée par un cabinet juridique employé par la MPAA. Le procureur n'a fait qu'y ajouter quelques remarques préliminaires personnelles, telles celles reproduites ci-dessus, mais l'essentiel de la missive était rédigée par le conseil de la MPAA, un certain Tom Perrelli. » Les déclarations du procureur affirmant ne pas avoir su que celui qui l'a aidé à rédiger cette lettre était en relation avec l'industrie cinématographique, n'y feront rien et la presse montera au créneau pour dénoncer cette proximité qui fera dire au journaliste du site www.01net.com : « De deux choses l'une : soit le procureur ne connaît rien au dossier ce qui semble improbable, soit, comme le pense Google, il est aux ordres des ayants-droit. » De son côté, le site américain The Verge, dédié à l'actualité des nouvelles technologies, enfonce un peu plus le clou en dévoilant le contenu d'un courrier électronique envoyé au début de l'année, quelques jours avant une importante rencontre entre Google et la justice américaine, dans lequel on apprend que l'avocat de la MPAA reconnaît avoir été contacté au téléphone par le procureur Jim Hood qui voulait trouver auprès de lui des cas concrets de liens de recherches sur internet menant à des contenus cinématographiques piratés, pour en faire une démonstration vivante lors de l'audience. Plus que cela, la presse spécialisée indique également que des entreprises concurrentes, réputées hostiles à Google, « auraient également participé activement à la préparation de dossiers d'instructions contre Google », lit on sur le site numerama.com qui propose un autre chapitre de cette affaire, avec pour titre : « Un procureur élu avec l'argent des lobbies », dans lequel on apprend beaucoup sur l'action de lobbying de l'industrie cinématographique qui aurait mobilisé ses troupes pour aider à l'élection de ce procureur au même titre que d'autres. Il est connu qu'aux Etats-Unis l'accès aux fonctions de procureur se fait à coup d'élection et donc de campagne électorale, ce qui « encourage la corruption, d'autant plus qu'il est permis aux particuliers et aux entreprises de financer les campagnes », selon numerama.com qui revient sur le soutien financier important obtenu par le procureur Hood auprès de la MPAA qui aurait, selon la même source, « également écrit à tous ses adhérents pour leur demander de verser chacun 1000 dollars à la campagne d'un autre procureur très réceptif à leurs soucis, Jon Bruning, qui se présentait pour un poste de Gouverneur (il a finalement échoué) ». Discret depuis le début des révélations sur la presse, le moteur de recherche a fini par réagir publiquement par le biais d'un communiqué de son vice président sénior et avocat général, Kent Walker, dans lequel il s'élève contre le fait que la MPAA « a conduit en secret une campagne coordonnée pour relancer la législation SOPA qui avait échoué sous d'autres formes », note 20minutes.fr qui rappelle que le projet de loi « SOPA (Stop Online Piracy Act), est une proposition de loi anti-piratage déposée en 2011, reportée sine die en janvier 2012, face à la mobilisation des internautes américains défavorables à une législation plus restrictive en la matière. » Google dit toute son offuscation de voir qu'il est la cible du projet de la MPAA et en même temps d'être sous le coup d'une enquête judiciaire conduite par un procureur réputé acquis aux thèses portées par la SOPA. Pour tout cela, il n'hésite pas à dire haut qu'il soupçonne « la MPAA et le cabinet Jenner and Block d'y être pour quelque chose », selon le même site qui rapporte par ailleurs que « Jim Hood réfute toute influence de la MPAA, malgré les preuves de contacts entre lui et le cabinet Jenner & Block. » En conclusion, le communiqué de la firme Google s'interroge sur les réelles motivations de la MPAA, dont la vocation en théorie est de défendre le premier amendement et la liberté de l'expression des artistes, et souhaite savoir pourquoi est elle
amenée à essayer de censurer le net en catimini.

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