Pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre en Syrie, le président Bachar El Assad a effectué une visite dédiée à l'idylle syro-russe. Il s'est rendu mardi dernier à Moscou pour exprimer sa reconnaissance pour l'aide et la solidarité sans faille de la Russie engagée, à la demande de Damas, dans le combat contre le terrorisme international poussé dans ses derniers retranchements. Dans leurs fiefs les plus sûrs, Al Qaïda labellisée Front Al Nosra et Daech, en compétition ouverte, sont désormais traqués par l'armée régulière qui a mené des offensives victorieuses dans les provinces centrales de Homs, Hama, Alep et Lattaquié. La donne a totalement changé pour le régime de Bachar El Assad, revigoré par le retour en force dans l'arène. Mais elle a suscité le désarroi de l'Occident. La sortie moscovite de Bachar El Assad a ceci de spectaculaire qu'elle scelle une alliance stratégique pour combattre le terrorisme. Lors d'une rencontre au Kremlin, le président syrien a reconnu que « le terrorisme qui s'est répandu dans la région aurait gagné encore plus s'il n'y avait pas vos actions et votre décision ». La Russie, « prête à tout faire, et pas uniquement sur le plan militaire », a soutenu, de son côté, que « malheureusement, se battent sur le territoire syrien contre les troupes gouvernementales au moins 4.000 combattants issus de l'ex-URSS ». Dans cette cause commune, la quête d'un règlement politique associant « toutes les forces politiques, ethniques et religieuses » est revendiquée par Poutine, « prêt à faire tout notre possible non seulement dans la lutte contre le terrorisme, mais aussi dans le processus politique ». Mais l'enjeu de la transition continue d'opposer l'Occident appelant au départ de Bachar El Assad et la Russie relevant le choix inéluctable du peuple syrien de son avenir, alors que le mémorandum américano-russe traduit toute la complexité et la gravité de la situation. S'il l'on reste loin d'une dynamique de coopération, le document instaure un certain nombre de règles encadrant les vols de tous les aéronefs, et de restrictions pour empêcher des incidents. Il prévoit notamment l'utilisation de certaines fréquences radio communes et préconise la création d'une ligne de communication secondaire au sol. Le « fort potentiel de coopération », salué par le ministère de la Défense russe, peut constituer une base pour une opération antiterroriste que Moscou se déclare disposé à « étendre et à approfondir ». Toutefois, le rétablissement des canaux de communication, dès l'entrée en vigueur du mémorandum, et même l'éventualité d'une plus grande coordination dans les opérations de secours pour les pilotes d'avions abattus, ne constituent pas un blanc-seing pour les frappes aériennes de la coalition internationale jugées illégales, en l'absence d'une demande du gouvernement en place ou d'une résolution du Conseil de sécurité. Une coalition qui bat de l'aile non pas pour le choix français de conduire son propre agenda, mais surtout pour le retrait canadien que le président Obama dit comprendre. Présent depuis octobre 2014 en Irak et en Syrie, à partir du mois d'avril, le Canada a décidé de « mettre fin à la mission de combat », à la faveur de la victoire des libéraux, conduits par Justin Trudeau, délogeant le conservateur Stephen Harper. Le futur Premier ministre canadien a déjà informé Obama de la cessation des frappes aériennes, conformément aux engagements électoraux et du renforcement de la mission d'aide humanitaire et de la formation en Irak. Une page se tourne.