Ce dispositif est entré en vigueur, pour la première fois, en Algérie, et a été appliqué par la Gendarmerie nationale (GN) dans l'affaire de la petite Nihal, disparue dans des circonstances mystérieuses à Tizi Ouzou, avant d'être retrouvée morte . L'affaire Nihal a accéléré la mise en place du dispositif Le dispositif alerte kidnapping est mis en œuvre officiellement, suite à l'instruction du Premier ministre Abdelmalek Sellal, transmise à plusieurs ministères, services de sécurité et institutions publiques. Le Premier ministre a rappelé dans cette instruction qu'il s'agit d'un dispositif national appelé « Alerte rapt/disparition d'enfants », élaboré et mis en place par un groupe de travail multisectoriel créé sous l'égide du ministère de la Justice, conformément aux instructions du Premier ministre édictées en date du 18 janvier 2016. Le plan a été élaboré dans un cadre concerté. Il définit le rôle de chaque institution de l'Etat en la matière. « Sous la direction du procureur de la République de céans, tous les organismes publics concernés (médias publics dans leur ensemble, supports publicitaires, opérateurs de téléphonie mobile, ports, aéroports, gares...) seront, ainsi, sollicités pour relayer l'alerte dans une synergie préétablie, à l'effet de concourir à retrouver l'enfant en danger en vie, dans les meilleurs délais possibles. » Le Premier ministre a chargé, à cet effet, chacun dans la sphère de ses compétences de « veiller personnellement à mettre en place ledit plan d'alerte, avec la célérité et la rigueur exigées par l'importance de cette question, de concert avec les instances judiciaires concernées », a rapporté hier l'APS. La gendarmerie explique le mécanisme Ce dispositif a été lancé pour la première fois suite à une série d'enlèvements d'enfants en Algérie en 2013. La GN a soutenu qu'elle était formelle au sujet de l'urgence à mettre en place un mécanisme efficace d'alerte « pour assurer la rapidité et l'efficacité de l'intervention des services de sécurité en cas d'enlèvement. Cette démarche implique plusieurs partenaires, à l'instar de la DGSN, le procureur de la République, en sa qualité de directeur de la police judiciaire, et le directeur de l'enquête, les aéroports, les écoles, les médias », a souligné un spécialiste en criminologie de l'Institut national de criminologie et de la criminalistique (INCC). Concernant le fonctionnement de ce système, il consiste en la diffusion, durant trois heures, d'un message d'alerte sur les chaînes de télévision, les radios, les agences de presse, les sites internet ou au niveau des gares, suivie de la publication des photos des victimes et des portraits-robots des auteurs. « Les médias sont censés également diffuser les appels à témoin », a-t-on expliqué. Les appels à témoin, les photos des disparus et les portraits-robots seront également diffusés dans les aéroports, les aérogares et les panneaux publicitaires placés le long des autoroutes. Le dispositif appliqué dans des cas précis En revanche, le système est utilisé dans des cas bien précis. « Il faut constater un enlèvement avéré et non une simple disparition, même inquiétante. Il ne s'agit évidemment pas de déclencher l'alerte à chaque fois que des parents s'inquiètent pour leurs enfants », nous a expliqué hier un magistrat. Du côté de la police, les services de sécurité doivent être informés en temps réel. « Le rôle des citoyens est primordial. Ils doivent alerter les services de sécurité en urgence notamment à travers les numéros verts, car les premières heures qui suivent un enlèvement sont décisives pour sauver la victime. » En ce sens, le criminologue de l'INCC a précisé que cette alerte permettra de dissuader l'auteur de l'enlèvement « parce que c'est le moment où il est dans une phase de vulnérabilité, au point de commettre des erreurs. C'est durant cette phase que sont généralement élucidées les affaires d'enlèvement », a-t-il tenu à préciser. Mission réussie pour la police La mise en œuvre de ce système a été efficace, selon la police qui a réussi à libérer une fille de six ans enlevée, à Tamanrasset, par un pédophile âgé de 50 ans. L'application de ce dispositif suite à une alerte sur le numéro vert de la police a permis la localisation de l'auteur présumé au niveau d'une station de bus. Les investigations ont fait ressortir que le mis en cause avait conduit la petite fille en lui promettant un jouet avant de la mettre dans un grand cabas. L'enquête poussée a fait ressortir que le mis en cause est l'auteur d'un enlèvement de mineur suivi d'agression sexuelle, avant de la jeter dans une décharge publique. Le pédophile interpellé est un père de trois enfants. Le réseau Nada plaide pour l'élargissement du dispositif Ce système doit être un mécanisme efficace qui permette de déjouer les tentatives d'enlèvement. Le rôle des associations est primordial, a indiqué hier le président du Réseau algérien pour la défense des droits de l'enfant (Nada), Abderrahmane Araâr, qui a fortement salué l'instruction du Premier ministre. Il a également insisté sur la nécessité de voir l'urgence de la mise en place d'un cadre juridique du dispositif qui définit les questions relatives à l'alerte et à la dénonciation d'enlèvement d'enfants, notamment les cas et situations d'enlèvement qui mettent en danger la vie de l'enfant ainsi que l'élargissement du système. « Il ne doit pas être limité aux services de sécurité et aux organismes publics. Il est important d'impliquer tous les acteurs dont les associations, les médias et la famille. Ce dispositif est sécuritaire actuellement. C'est une bonne mesure. Il vient combler les insuffisances et les failles dans le système de protection de l'enfance notamment les enlèvements, mais il ne répond pas à toutes les attentes. Il faut l'élargir notamment aux professionnels chargés de la protection de l'enfance. Dans un cas d'enlèvement, on fait face à des parents perdus livrés à eux-mêmes, des associations qui activent individuellement et des médias sous pression. Il est nécessaire d'abord d'organiser l'intervention des acteurs et la mise en place d'un cadre juridique », a-t-il précisé. Selon les chiffres communiqués par la DGSN, le kidnapping d'enfants est un phénomène qui a pris de l'ampleur dans notre société. En 2014, 195 cas ont été enregistrés, contre 150 en 2013. Alors que pendant les quatre premiers mois de l'année écoulée, 25 cas ont été enregistrés et 11 mineurs, âgés de 40 jours à 15 ans, ont été enlevés et assassinés en 4 mois cette année. Nada a traité 190 cas de fugue et tentatives d'enlèvement à travers le numéro vert 3033. Le rôle primordial des médias L'instruction du Premier ministre a mis l'accent sur le rôle des médias dans la mise en œuvre de ce dispositif. Ils sont fortement sollicités « pour relayer l'alerte dans une synergie préétablie, à l'effet de concourir à retrouver l'enfant en danger en vie dans les meilleurs délais possibles », loin du sensationnel. Dans l'affaire de la petite Nihal, l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav)) avait fortement critiqué le traitement médiatique de cette affaire par certaines chaînes de télévision. Les médias sont appelés à faire « preuve de vigilance extrême », avait-elle recommandé.