Hier, à la Cour d'appel de Salé, le procès des 24 Sahraouis, condamnés à de lourdes peines par un tribunal militaire marocain, révèle en fait le visage hideux de la colonisation anachronique à bout de souffle. Dans son acception légale, il représente une violation de la charte onusienne qui consacre le droit à l'autodétermination aux territoires non autonomes, revendiqué et inscrit comme tel par le Maroc lors de l'occupation espagnole. Tout comme dans son expression concrète, la légitimité de la cause sahraouie s'impose comme une vérité désormais reconnue par la communauté internationale. En Afrique, face aux manœuvres de sabordage révélé notamment par l'échec du retour marocain dans le giron de la grande famille africaine et plus encore, par le retrait du 4e forum Afrique-Monde arabe, le rêve d'une Afrique unie et à voix forte nécessairement portée par le socle de la lutte anticoloniale indéniable est antinomique avec la persistance de la dernière colonie africaine. A l'exception notable des anciennes puissances coloniales, l'Europe présente un front à l'aventure coloniale marocaine sans lendemain. Ainsi, le 21 décembre, la Cour de justice de l'Union européenne a décrété la nullité de l'accord commercial avec le Maroc. Ce qui constitue aux yeux de la présidente de l'observatoire des ressources naturelles du Sahara occidental, Western Sahara Ressource Wach (WSRW), Joanna Allen, comme une « étape juridique clé » vers la fin de l'exploitation des richesses des Sahraouis. Cette décision représente également « un avertissement » aux entreprises « controversées » tenues de respecter la volonté populaire sahraouie. « Mettre fin à ces ventes (des ressources naturelles sahraouies, Ndlr), c'est supprimer un obstacle majeur à l'autodétermination du Sahara », estime la présidente de WSRW. Le procès de Gdeim Izik est donc le procès de la colonisation sécrétant la répression et la violation des droits de l'homme, « la pire dans le monde ». La tentative de transférer le jugement du tribunal militaire vers un « tribunal civil » est en soi une reconnaissance de l'illégalité de la condamnation des 24 militants des droits de l'homme. Ils estiment que le Maroc, à travers « le tribunal civil », confirme, aujourd'hui, que les prisonniers politiques de Gdeim Izik sont jugés en tant que citoyens et civils d'un Etat étranger. Une telle distorsion légitime leur « libération immédiate et inconditionnelle » et la poursuite des responsables marocains accusés de « détention arbitraire », « tortures physiques et psychologiques » dans les postes de gendarmerie, de police et la prison locale Salé 2 et Salé 1 ainsi que celle d'Aarjat. L'exigence d'une « enquête internationale » par l'Onu est réclamée par les victimes de la répression dénonçant les « crimes de guerre et les crimes contre l'humanité » commis par l'occupant en violation de la décision du Comité contre la torture de l'ONU du 12 décembre 2016 légiférant sur le cas du militant sahraoui Naama Asfari. Plus que jamais isolé, Rabat est confronté à un élan de solidarité avec les détenus politiques sahraouis, exprimé par le collectif international des 40 avocats réclamant une juste application du droit humanitaire sur le territoire autonome sahraoui, la Fédération des entités argentines et arabes appelant à une « présence massive » des « observateurs internationaux » au procès de Salé et la Confédération syndicale des commissions ouvrières espagnoles organisant, aujourd'hui, un rassemblement devant l'ambassade du Maroc à Madrid. A l'heure sahraouie, sonnant le réveil des consciences, le Maroc est rattrapé par le « printemps sahraoui » jusque-là gravement omis.