C'est, on ne peut le nier, le réalisme qui a toujours guidé les pas du Chef de l'Etat. Quarante-neuf ans après l'indépendance, il est toujours là, débout, imperturbable et stoïque comme un amiral face à l'adversité et les cris d'orfraie des hashashine du samedi. Les mains au timon, impavide, le chef de l'Etat reste surtout préoccupé par l'impérieuse nécessité de tenir ses engagements jusqu'au dernier, avant d'en redemander. Hier matin, le titre d'un journal honnête de la capitale nous rappelait que nous étions en plein dans l'An deux du troisième mandat présidentiel. N'étant pas coutumière des anniversaires fêtés en grande pompe pour satisfaire les goûts et les mœurs attachés au «culte de la personnalité», l'Algérie n'a rien prévu pour l'An deux. En revanche, nous savons que sur le chapitre du travail, en matière de réformes nouvelles ou à approfondir, la conjoncture est plus que jamais ouverte aux âmes sensibles et de bonne volonté. Le lecteur d'Alger qui représentait, il y a encore quelques années, le spectrogramme de choix pour évaluer les progrès accomplis par notre pays, n'est malheureusement plus l'aune qui convient à cette tâche. Rattrapé par la vie trépidante des mégalopoles comme partout ailleurs, le citadin nouvellement formaté, ne se donne même plus la peine de se rendre dans son douar d'origine, ne serait-ce que dans un cadre modestement comparatif. Ne sachant notamment pas que si des autoroutes continuent de dérouler leurs kilomètres de nouvel asphalte, c'est grâce à Bouteflika. Car si ce dernier n'avait possédé ni intelligence, ni volonté de construire, s'il n'avait pas eu une haute idée de la culture d'Etat, les moyens de paiement que possède aujourd'hui l'Algérie auraient été fatalement dilapidés dans des dépenses somptuaires et autres hochets relevant de la sphère de jouissance terrestre. Bouteflika, disons-le tout net, n'est pas un clone et s'il l'était, il ne l'aurait été que de lui-même. Il est en revanche ce que la nature a bien voulu qu'il soit : un Chef d'Etat dans la plénitude du terme. C'est un Chef d'Etat conscient plutôt de ses devoirs que de ses droits. Un autre que lui aurait sûrement succombé à la tentation de thésauriser l'argent du pétrole comme le Sultan Kabous premier faisait de l'enfouissement du billet vert américain dans son propre grenier à blé une défiance au progrès et qui a vu son propre fils lui succéder par coup de force interposé. Et bien, cette voie, Bouteflika l'a boudée. Car par les derniers temps de crise et de volatilité monétaire internationale excessive, il a préféré rembourser la dette contractée par l'Algérie au temps où les détenteurs d'excédents d'eurodollars prêtaient pratiquement à perte pour endiguer l'inflation chez eux. Sage précaution, sans laquelle je ne saurais dire vers quelle destination extrême le retour à l'emprunt forcé nous aurait propulsés. Il y a quelques semaines, l'Algérie annonçait fièrement au monde que Tamanrasset, la ville aride par excellence depuis les premiers Berbères que décrit si prodigieusement Malika Hached, est sur le point de devenir la ville la plus attrayante d'Afrique. Par quel miracle ? Par l'eau, voyons ! Par l'eau qui coule, désormais, en permanence à flots dans ses entrailles grâce au travail de titan qui a été effectué pour transporter celle fournie par la nappe albienne d'In-Salah sur 750 km jusqu'à la perle de l'Ahaggar. J'en rajouterai volontiers d'autres merveilles mais de crainte de donner le tournis à certains esprits aigris je m'arrêterai là. Mais je regrette que notre presse nationale qui passe son temps à attiser gratuitement le feu dans nos corporations, n'ait pas consacré davantage de lignes au miracle de Tamanrasset.