Pour défaire le régime de Kadhafi qui, 25 jours après l'intervention militaire, garde au moins 70% de son potentiel militaire, le Conseil national de transition (CNT) demande aux pays participants à la conférence des armes, de l'argent et une reconnaissance comme gouvernement légitime. A Doha, une seule question a fait le consensus : le départ du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi parce qu'il « n'a pas d'avenir en Libye ». «Nous voulons une reconnaissance claire et officielle, notamment des Etats-Unis », affirme Mahmoud Jibril, le chef de la délégation du CNT, l'organe politique de la rébellion dont la composition et les orientations politiques ne sont pas claires. Reconnu par trois pays (France, Italie, Qatar), le mouvement basé à Benghazi veut une reconnaissance précise : celle des Etats-Unis qui, comme pour marquer leur tiédeur comparativement à la France et à la Grande-Bretagne qui pressent leurs partenaires et l'Otan d'intensifier leurs efforts de guerre, ont envoyé à Doha William Burns, leur secrétaire d'Etat adjoint pour les affaires politiques. Le CNT, qui est dirigé par Moustapha Abdeljalil et Abdelfatah Younès, respectivement ex-ministres de la Justice et de l'Intérieur de Kadhafi, veut une stature internationale pour effacer Tripoli certes mais aussi et surtout pour avoir accès aux dizaines de milliards de dollars de fonds destinés à la Libye, actuellement gelés par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne et obtenir des crédits aux taux accordés aux Etats souverains. «Nous voulons une sorte de programme pétrole contre nourriture comme en Irak, une sorte de fonds qui détournerait de l'argent des avoirs gelés en direction des rebelles », suggère le ministère italien des Affaires étrangères, sans vérifier au préalable si « c'est légal ». La Grande-Bretagne suggère la création d'un fonds qui pourrait être financé par les pays du Golfe. « Nous espérons parvenir à un accord sur un mécanisme financier provisoire dans la région au profit des zones contrôlées par le Conseil national de transition en Libye », déclare William Hague, ministre britannique des Affaires étrangères, à l'ouverture de la réunion. VERS UNE LIBYE COUPEE EN DEUX ? Plusieurs pays sont sceptiques. « Nous devons voir à qui appartient cet argent », réplique Guido Westerwelle, le chef de la diplomatie allemande en écho à la proposition de Londres. En attendant, Doha propose une aide financière accrue aux anti-Kadhafi pour qu'« ils décident de l'avenir » de leur pays, dixit le prince héritier cheïkh Tamim ben Hamad Al-Thani. Incapables de dérouter les forces de Kadhafi, les rebelles se font menaçants. «Il n'y a pas d'autre solution que la solution militaire car le langage du dictateur est celui de l'anéantissement, et les gens qui parlent ce langage ne comprennent que ce langage», déclare Ahmad Bani, l'un de leur porte-parole. La bravade semble avoir reçu un écho à Rome, Paris et Londres. L'ancienne puissance coloniale songe satisfaire cette attente. La France et la Grande-Bretagne critiquent ouvertement l'Otan qui préconise une solution politique. Notamment par l'instauration d'un cessez-le-feu. Les deux pressent l'Alliance d'opter pour des « frappes aériennes contre les chars et les sites de lancement de missiles » de l'armée libyenne. Selon eux, la résolution 1973 de l'ONU permet la fourniture d'armes aux rebelles. « Les résolutions de l'ONU prévoient de protéger les populations civiles, mais pas de les armer », répliquent l'Allemagne, la Belgique et l'Otan. Conséquence de ces divergences : la décision sur les armes, dont certaines pourraient consolider la position militaire de la succursale d'al Qaïda au Sahel, n'a pas être prise à Doha où les souffrances du peuple libyen ont été occultées : 3,6 millions de personnes pourraient avoir besoin d'aide humanitaire selon l'ONU. Tout comme le risque d'un enlisement qui pourrait déboucher sur une Libye coupée en deux : la Tripolitaine à l'Ouest et la Cyrénaïque à l'Est.