En administrant un cours magistral à tous ceux qui, ici et à l'étranger, en avaient été prévenus par médias interposés, à l'effet de se réserver la bonne place devant l'écran de leur téléviseur pour suivre son discours de bout en bout, le Président Bouteflika a produit un discours éminemment bien structuré, s'il en fut, dans lequel, du début à la fin, il a été question d'un seul thème : celui de l'Algérie. Une Algérie s'ouvrant sur la dernière étape d'un programme politique pour lequel elle avait opté il y a un peu plus d'une dizaine d'années et dont la dernière étape devrait se jouer à la fin de cette année, dans deux ans tout au plus, péremptoirement avant l'échéance du mandat présidentiel en cours. La prestation de Bouteflika, notons-le au passage, ne fut ni un discours-fleuve à finalité lénifiante ni un discours idéologique, encore moins un discours partisan. Bouteflika s'est montré dès le principe particulièrement sensible au développement économique et les progrès que la nation pouvait en tirer, seulement pour éviter de se rendre captif d'un pédantisme très prisé dans nos contrées et qui, fort heureusement aujourd'hui n‘a plus cours, il a préféré user d'une pédagogie plus directe en posant des problèmes à l'abri de toute ambiguité. En quelques traits de plume, il nous a rappelé qu'aux efforts investis pour redresser la situation économique et sociale du pays depuis les prémices d'un retour à la paix entamé il y a une dizaine d'années, nous entrons désormais dans la dernière phase de construction de l'Etat algérien tel qu'il a été imaginé au cours des dernières années, en dépit des erreurs qui aient pu se glisser le long de sa laborieuse édification. Avant nous, il s'était posé toutes les questions que le citoyen, avec plus ou moins de lucidité aurait pu se poser depuis dix ans. Certes, mais de quoi se serait plaint le citoyen si on avait posé la question directement à lui ? Pour la première fois depuis bien longtemps, Bouteflika aborde avec une sérénité désarmante, le thème de la séparation des pouvoirs visant ainsi à ce que s'installent dorénavant partout dans nos institutions, des contre-pouvoirs qui auront pour tâche non seulement de prévenir les dysfonctionnements dans les administrations mais aussi d'aider à lutter efficacement contre la corruption. Il va de soi que de telles mesures encourageraient à échéance l'introduction dans tous les rouages de l'Etat du principe de sanction dont, disons-le tout net, la règle n'a jamais vu le jour depuis 1962. Autre question centrale qui se pose : la loi électorale. Qui élire et comment et sous quels critères ? C'est ce sur quoi porte la question. Des femmes et des hommes auront pour tâche de définir les critères et les articulions de la nouvelle loi électorale avant de réformer profondément celle encore en vigueur par les temps qui courent, pour ne pas dire d'en élaborer une nouvelle qui s'adapterait mieux à la phase d'édification qui s'ouvre devant nous. C'est à eux qu'il reviendra de définir scrupuleusement l'essentialité de la prochaine loi. Pas à nous qui ne sommes que des observateurs. A travers la caractère impérieux de cette réforme, le chef de l'Etat a bien voulu rappeler que sans un choix sincère des élus par un corps électoral conscient de son rôle, l'Algérie ne retrouvera jamais de preuves concrètes sur le terrain tant que la volonté de parler de la lutte contre la corruption, resterait une norme fictive et récurrente. Dans la lancée, la constitution elle-même n'échappera pas aux réformes projetées. Dans son discours, le président de la République a également traité une série d'autres réformes applicables, celles-ci à d'autres aspects institutionnels du fonctionnement de l'Etat. Un état moderne bien sûr qui se souciera désormais aussi d'amender certaines lois existantes ou d'en élaborer de nouvelles pour rendre plus efficace la dynamique des droits humains dans notre pays par exemple ! La loi sur l'information figure aussi dans le catalogue du chef de l'Etat, lequel en prévision des réformes attendues, en a profité pour annoncer qu'on peut d'ores et déjà considérer que la dépénalisation de la presse et celle des médias en général, est chose acquise. Encore un point à clarifier. Le parachèvement de la construction de l'Etat, retardé durant la décennie noire par le terrorisme islamiste, devait coûte que coûte avoir lieu au moment où l'échéance avait été fixée il y a un peu plus d'une dizaine d'années. Nous y sommes ! Enfin, si j'évoque ce détail maintenant, c'est simplement pour rappeler à nos chers lecteurs que si Bouteflika a choisi la date de vendredi dernier pour lancer ces nouvelles réformes, ce n'est nullement sous la pression de la rue comme ne manqueront pas de l'écrire nos confrères mais sous celle d'un échéancier préalablement établi.