Le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, M. Eric Dénécé, a révélé que les mouvements politiques et sociaux qui secouent depuis le début de l'année des pays arabes, ne sont pas fortuits et qu'ils ont été préparés depuis Washington, par les services de renseignement américains. Sans pour autant nier les aspirations populaires, qui ont été exprimés, cet ancien agent du renseignement français, relativise cependant les changements souhaités. De retour d'une mission en Tunisie, et dans un entretien au quotidien français «La Tribune», M. Dénécé a reconnu qu'il y a dans ce pays «une réelle aspiration à plus de liberté, mais pas nécessairement à plus de démocratie», affirmant cependant ne pas croire «à la spontanéité de ces révolutions», qui, dit-il, étaient «en préparation depuis plusieurs années». Dès 2007-2008, a révélé M. Dénécé, des conférences organisées sous l'égide d'ONG américaines, comme Freedom House, l'International Republican Institute ou Canvas, et où étaient présents la plupart des blogueurs et des leaders de ces mouvements, «ont instillé le germe de la démocratie, créant un contexte favorable aux révolutions». Il considère ainsi que le processus «était le même que celui qui a précédé le démantèlement de l'URSS, la révolution serbe, la révolution orange en Ukraine ou encore celle des roses en Géorgie». Il soutient également que «l'imminence d'un coup d'Etat militaire était évoquée depuis dix-huit mois en Tunisie et que par conséquent, il n'est pas approprié de parler de «révolution», affirmant qu'il s'agit plutôt d'un «renouvellement des classes dirigeantes qui ont, avec l'accord de Washington, organisé des coups d'Etat «en douceur», en profitant d'une vague de contestation populaire qu'elles ont intelligemment exploitée». Il soutient également que l'arrivée au pouvoir de nouveaux dirigeants «bénéficie extérieurement d'une grande légitimité et donne le sentiment d'une rupture profonde avec le régime précédent», relevant cependant que la situation est en réalité «bien différente» et que pour Washington, «c'est un changement dans la continuité, modifiant peu l'équilibre régional», et jugeant que cela «est étonnant pour des révolutions». Sur la situation actuelle, il considère que «beaucoup de problèmes risquent de surgir»et qu'en Egypte et en Tunisie, «un fossé inédit est apparu entre l'armée, qui sort grandie des événements, et la police, qui a longtemps assumé la répression des manifestants». Il conclut en exprimant ses craintes qu'une partie de la population risque de réaliser qu'elle a été «flouée». D'où, dit-il «de possibles chocs en retour et une reprise des émeutes».