«Globalement, c'est une question négligée dans la recherche » sur les deux rives depuis la fin de l'effondrement du bloc de l'Est, dit-il, en entamant sa conférence-débat au Centre des études stratégiques d'Ech-Chaâb. Les raisons de cette minorisation ? Le directeur de recherches à l'Institut des études politiques de Paris et spécialiste du Maghreb les résume en une phrase : les pays des deux rives de la Méditerranée qui avancent en accroissant leurs écarts (25.000 $ par habitant et par an au Nord, 4000 $ au sud) « ne parlent pas de la même sécurité ». Même au sein du vieux continent, certains comme la Pologne et la Tchéquie qui ont accepté l'installation des intercepteurs américains, ont eu leur propre conception de la sécurité. Selon le conférencier, le «choix» des pays maghrébins de privilégier les accords bilatéraux avec l'Union européenne sur la sécurité et la «culture» des approches différentes sur l'immigration clandestine, - « les pays de la rive nord se déchargent sur les pays du Sud » dit-il -, rendent quasi impossible la construction d'une quelconque politique de sécurité commune. D'autant que les deux rives n'ont pas un « ennemi » commun qui pourrait les pousser à s'unir. A moins que la lutte contre la criminalité organisée, les Cartels sud- américains qui font transiter par l'Afrique l'équivalent de 40 à 60 milliards de dollars de drogue et le terrorisme n'en décident autrement. En attendant, certains pays au Sud comme le Maroc et la Tunisie, acceptent d'abriter des centres de transit financés par l'Union européenne, contre quelques «avantages» et «intérêts» et d'autres pays au Nord, comme la Pologne et la Bulgarie se demandent que fait l'UE avec des pays maghrébins. Ce rapprochement de l'Europe de l'Ouest de l'Est pourrait être dangereux pour la rive Sud qui continue à faire du lobbying vers l'Espagne, la France et l'Italie acquis à une politique euro-méditerranéenne. «C'est dans ce contexte d'absence de lobbying que le processus de Barcelone a été «achevé» et que le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM) a eu des réserves de pays comme l'Allemagne», dit-il. Comme tous les chercheurs ou politiques européens, il regrette la persistance du conflit israélo-palestinien et le coût économique de la non-construction du Maghreb à cause de la question du Sahara Occidental (moins 3% de croissance, perte de 5 à 6 millions d'emplois). Conséquences du développement de ces asymétries, l'écart entre les deux rives s'accroit et les « rideaux » de fer en Méditerranée pour empêcher toute immigration classique, pas seulement des pays de la rive sud, mais de l'Afrique, se multiplient. «Quelque 10 à 30.000 personnes meurent chaque année en mer» selon une ONG espagnole, un nombre sans commune mesure avec ce que font le terrorisme et le crime organisé dans la région, dit-il avant de rappeler deux choses, les Américains qui commencent à regarder dans cet espace euro-méd, ne sont intéressés que par la sécurisation de leurs besoins énergétiques et le « blocage » de l'avancée de la Chine. Notamment dans les pays du Sahel.