L?on raconte aux temps anciens, aux temps où les bêtes parlaient, il était une dame scarabée qui vivait seule dans sa maisonnette. Comme la solitude commençait à lui peser, elle décida, un matin, de prendre mari. Elle noua haut sur son front un foulard à longues franges de soie et mit sa belle robe de tulle étoilé ; avec soin elle rougit ses lèvres à l?écorce de noix, noircit ses yeux au khôl et s?assit sur le seuil de sa porte et attendit? Le hasard voulut qu?un chien passât à cette heure-là. Admiratif il dit : «Dame scarabée que souhaites-tu ?» «Je désire prendre mari», répliqua la belle. «Que faire pour devenir ton époux ?» demanda le chien. «Chante pour moi un peu, si tu veux être mon amoureux !» répliqua la dame scarabée. «Waou ! Waou ! Waou !» aboya le chien. «Tu m?assourdis et assourdis les miens, va- t-en d?ici vaurien !» cria dame scarabée. L?âne, d?aventure passa par là lui aussi ; et, fasciné, s?exclama : «Belle dame scarabée pour toi je meurs d?amour, que faire pour devenir ton mari un jour ? » «Chante- moi un peu, si tu veux devenir mon amoureux !» répondit l?insecte. «Hi han ! Hi han !», se mit à braire l?animal à quatre pattes.» «Tu m?assourdis et assourdis les miens, va t?en d?ici vaurien !» s?écria dame scarabée. L?âne s?en alla, baissant ses grandes oreilles. Sissbène, le petit pou s?approcha à son tour de la belle et timidement lui déclara sa flamme : «Belle parmi les belles, veux- tu devenir ma femme ?» Il déposa sur le seuil cinq petits sous : «Voilà, reprit le petit-pou, belle dame, voilà toutes mes économies !» La dame scarabée l?interrompit vivement : «Chante d?abord pour moi mon ami !» Le petit-pou siffla et fit mine de piquer : «Zzz pic, zzz pic !». «Avec toi, je m?unis à la mort, à la vie !» répliqua dame scarabée. Avec les cinq sous, les mariés décidèrent d?offrir un repas de noces. Dame scarabée prépara un bon couscous et posa la marmite sur le feu puis, interpella le petit-pou : «Sissbène va au village et invite les tiens au festin ; fais-toi beau ! Moi, je cours à la fontaine chercher de l?eau !». Sur la place, près de la fontaine, dame scarabée claironna à qui voulait bien l?entendre : «Félicitez-moi les filles, depuis ce matin, j?ai un gentil mari !» Elle chanta tant les mérites, l?allure, la fortune de son nouvel époux qu?elle ne vit pas le temps passer. Le petit pou, qui n?avait pas d?ami, revint vite à la maison : «Ah ! ma belle n?est pas encore rentrée ! la bonne sauce, je vais goûter» dit Sissbène. Il grimpa sur un chenet, souleva avec peine le couvercle et se pencha. Les vapeurs qui s?échappèrent de la marmite le précipitèrent dans le bouillon. Quelques instants plus tard, dame scarabée rentra : «Goûtons vite notre ragoût avant que n?arrive notre bel époux !». Elle se pencha à son tour sur la marmite et, découvrit le pauvre petit pou ! Elle se précipita alors chez Malgatta, la chatte, pour lui demander une louche. «Malgatta, prête-moi ta louche, ma bien bonne ! C?est pour repêcher le seigneur des hommes, Sissbène, le petit-pou, mon bel élu Qui est tombé dans la marmite et a disparu !» Se lamenta dame scarabée. «Tiens ! prends-la, elle est sur la cheminée ! Fais attention, elle est pleine de bon lait ;» recommanda Malgatta. Mais dame scarabée, pressée, renversa les quelques gouttes de lait qui s?y trouvaient. (à suivre...)