Le comédien Abdelkader Belmokadem s'est éteint lundi à Oran des suites de complications cardiaques à l'âge de 76 ans. Il a été enterré le jour même à Mostaganem en présence d'une foule nombreuse venue rendre hommage à l'un des plus grands acteurs algériens qui a tant donné au théâtre national depuis le recouvrement de l'indépendance. Dans l'équipe de Ould-Abderahmane Kaki - ce «monstre» disparu du théâtre algérien -, Belmokadem tenait des rôles clés dans les différentes pièces du metteur en scène. Il lui était dévolu en particulier - dans l'approche bréchtienne du théâtre de Kaki - le rôle du «goual» (le diseur), rôle qu'il interprétait à merveille avec sa facon propre, son détachement innocent, parfois même ses improvisations qui ajoutaient à la pièce l'inattendu hilarant. Ce fut le cas par exemple dans l'œuvre majeure de Kaki intitulée El-Guerab Oua Salihine («le porteur d'eau et les marabouts»), là où Belmokadem donna la mesure de son immense talent. Durant toute sa longue carrière - un demi-siècle pratiquement - il arpenta les planches avec délectation, apportant la chaleur du langage populaire et le sens de la repartie à un théâtre d'avant-garde qui faisait interroger les grands spécialistes sur le dépouillement scénique qui révolutionnait cet art ancestral et le mettre comme jadis entre les mains de son public. Entre Kaki et lui, l'osmose était plus apparente qu'avec les autres comédiens non moins talentueux comme Mohamed Chouikh, Mustapha Chougrani, le regretté Allal ou encore Benmohamed. Belmokadem venait pour ainsi dire reproduire sur scène le langage de la rue, de son Tijditt natal, là où il embrassa le scoutisme, grande école du théâtre et du patriotisme avec cet autre immense homme de théâtre, Si Djilali Benabdelhalim. «El-Guerab» s'est tu hier. Son image, son parcours et ses œuvres, dans le théâtre comme dans le cinéma, resteront entières pour apprendre ce que fut cet homme imprégné d'humilité et de bonté.