Résumé de la 60e partie n Accusée de plusieurs infanticides, Jeanne Weber refuse de répondre aux questions qui lui sont posées, elle ne se défend même pas. Le juge d'instruction s'interroge, lui aussi, sur les mobiles qui ont pu pousser Jeanne au crime. Il pense, comme les policiers qui ont effectué l'enquête, à la folie mais d'autres raisons peuvent être invoquées. Jeanne a peut-être cherché, à travers ces meurtres, à se «venger» de la perte de ses enfants, en infligeant un chagrin à ses belles-sœurs qui, elles, avaient gardé les leurs. Il y a aussi, chez certains criminels, cette tendance à chercher du plaisir dans les souffrances infligées aux autres. Jeanne est certainement coupable mais le juge a compris que pour établir cette culpabilité, il lui faut autre chose que les témoignages des familles des victimes et de leurs voisins : il lui faut des preuves matérielles. Pour cela, il préfère s'adresser à un spécialiste de la médecine légale. Le juge Ledey fait appeler pour cela le docteur Thoinot, proche collaborateur de Brouardel, maître de la médecine légale parisienne en ce début de XXe siècle. Brouardel a publié notamment, en 1897, un ouvrage remarqué, La pendaison, la strangulation, la suffocation et la submersion, où il a résumé les résultats de ses recherches dans ces domaines de la criminologie. Thoinot partage ses analyses et lui-même a apporté des confirmations à ses intuitions. Par ses travaux et sa renommée, on le considérait comme un successeur de son maître à la chaire de médecine légale. La justice l'a déjà sollicité dans plusieurs affaires, il a effectué des examens et des autopsies. Si ses amis l'encensent, ses détracteurs lui reprochent sa suffisance, sa trop grande confiance en lui et surtout son obstination. En sollicitant son aide dans l'affaire Weber, le juge Ledey lui demande d'examiner les traces que porte au cou le petit Maurice Weber, qui a échappé de justesse à la mort et de faire l'autopsie des victimes supposées de Jeanne. Le 10 avril 1905, Madame Charles Weber, sur convocation de la police, conduit son fils, Maurice, à l'hôpital Saint-Antoine où le docteur Thoinot doit examiner l'enfant. Thoinot a été mis au courant de ce qui s'est passé le 5 avril et on lui a remis le rapport du docteur Saillant qui l'a reçu en urgence et soigné ce jour-là. Il examine le cou du jeune Maurice et s'exclame : — Voyons, où est passée cette prétendue trace de strangulation ? — Vous voulez parler de la trace que Maurice avait au cou ? demande timidement la mère. — Oui, dit le médecin. — Elle a disparu, hier. Le médecin a un sourire ironique. — Comment cela, disparue ? Etes-vous sûre que cette trace a réellement existé ? — Bien sûr, dit la jeune femme. Elle était rouge, au début, puis elle est devenue bleue, avant de s'estomper progressivement et de disparaître. — Vous en êtes bien sûre ? la mère s'offusque. — Puisque je vous le dis, docteur ! L'examen s'arrête là. (à suivre...)