Le cadi est embarrassé car il ne sait comment départager les deux hommes, chacun accusant l'autre d'être un menteur. – C'est simple, dit Bouamrane. Mon fils est intelligent comme moi, mais le fils du domestique est naïf comme son père. Donnons-leur des chevaux et laissons-les aller… Nous verrons ce qu'ils feront ! Le cadi accepte la proposition. Mais avant que les deux garçons ne partent, Bouamrane met à chacun d'eux un peu de beurre sur le menton. — Le vrai fils du domestique, dit Bouamrane, le laissera couler sur ses vêtements tandis que mon vrai fils l'aura l'essuiera. On donne donc des chevaux aux deux garçons et on leur dit de se promener toute la journée dans la campagne. A la fin de la journée, les deux garçons reviennent. Bouamrane montre aussitôt le prétendu fils du domestique, qu'il dit être le sien. — Sidi el-cadi, regarde : il a essuyé le beurre que je lui ai mis sur le menton. C'est une preuve qu'il a des goûts raffinés, tandis que l'autre l'a laissé couler sur ses vêtements ! (L'autre c'est celui qu'il a élevé comme son propre fils mais qu'il ne reconnaît plus). D'ailleurs, ce garçon s'exclame : «Ce jeune homme est fou ! — comment cela ? demande le cadi —Tout à l'heure, quand nous chevauchions, il a fait un certain nombre de remarques qui m'ont surpris !''