Constat n Les opérations de démolition de bidonvilles, engagées de façon cyclique par les autorités centrales du pays, n'ont pas donné les résultats satisfaisants. Aussitôt détruits, ces baraquements de fortune réapparaissent, en effet, là où on les attend le moins, dans des endroits inimaginables, généralement le long des cours d'oueds asséchés, à l'intérieur des bosquets, sur des terres agricoles ou dans des replis de terrains proches, mais invisibles, des grands axes routiers. C'est le constat fait, aujourd'hui, dans la wilaya d'Alger, où à de rares exceptions, aucune commune n'échappe au phénomène, lequel a pris des proportions inquiétantes ces vingt dernières années. Par vagues successives, des populations entières ont fui la misère et l'insécurité de leurs douars pour venir se fixer dans et autour de la capitale, dans des habitations de fortune dépourvues de toute commodité. La faute, si on peut la considérer ainsi, n'est pas imputable aux seuls gens de l'intérieur : des «natifs d'Alger», à cause d'une crise aiguë de logement et de la promiscuité dans laquelle ils vivent, dans des appartements qu'ils partagent avec leurs parents, ont pris le parti de construire, outre des extensions qui ont défiguré l'aspect architectural initial de leurs habitations, des baraques en parpaing, le matériau le plus utilisé dans ce genre de construction, dans des quartiers pourtant réputés résidentiels. L'oued Hydra, situé entre l'autoroute de Ben Aknoun et le parc zoologique, en est un exemple édifiant. Un véritable village est né dans cette dépression de terrain, abritant des milliers de personnes originaires de Bab-El-Oued, de la Casbah, de Belouizdad… dont les bouges misérables côtoient les somptueuses villas. Les autorités, à quelque niveau qu'elles soient, avaient conscience du phénomène, mais aucune décision courageuse — et tout aussi judicieuse et légale — n'avait été prise pour juguler l'incroyable prolifération de constructions illicites dans l'Algérois et, par extension, dans le reste du pays. La politique de l'autruche a prévalu et il a fallu l'engagement du chef de l'Etat pour que l'on recommence à songer sérieusement à résoudre une question sociale des plus délicates. Les 500 000 bidonvilles recensés à travers l'Algérie, dont une proportion non négligeable se trouve dans la région Centre, seront systématiquement rasés et leurs occupants relogés dans des conditions de décence et de dignité. Ceci contrairement aux opérations inéquitables initiées dans les années quatre-vingt par le pouvoir qui a, certes, rasé «Gorias», mais en utilisant l'abject procédé qui consistait à transférer, par la force, des milliers de familles vers leurs régions d'origine, sans tenir compte du fait que ces familles étaient là bien avant l'indépendance et qu'elles n'avaient, par conséquent, que de vagues attaches avec le sol qui a vu naître leurs parents. On connaît la suite de cette éphémère opération coup-de-poing : en l'espace de quelques mois, des dizaines de «Gorias» ont refleuri à travers le pays, en particulier autour de villes offrant des opportunités d'emplois dans divers secteurs économiques, à l'exemple d'Annaba, de Skikda, d'Oran, de Hassi Messaoud, de Ouargla ou de toute la côte algéroise et les communes légèrement retirées, comme celle de Gué de Constantine qui abrite actuellement pas moins de 9000 taudis – et l'on passe – et cela, parce que la préoccupation n'allait pas au-delà de la «préservation du cachet architectural des villes». - Le phénomène de l'exode rural n'étant pas propre à l'Algérie -la tendance à la désertion des campagnes a été constatée d'ailleurs dès le début du siècle dernier-, il est certain que les villes algériennes vont subir, pour longtemps encore, l'afflux des populations nouvelles, issues à la fois du monde rural et des villes secondaires. Alors autant réfléchir à des solutions justes et durables pour aider à la fixation des 13 millions de ruraux et répondre à l'immense demande en matière de logements, le tout en préservant les terres arables entourant les cités urbaines. Mais ceci est une autre histoire.