Talent - Cherif Kheddam est considéré par ses pairs comme par le public comme l'un des génies ayant révolutionné la chanson kabyle. Cherif Kheddam, auteur, compositeur et interprète, considéré comme l'un des chantres et monuments de la chanson kabyle, n'est plus. Il s'est éteint, hier, dans un hôpital parisien, suite à une longue maladie, à l'âge de 85 ans. Cherif Kheddam, à la carrière de plus d'un demi-siècle dans la chanson, a laissé derrière lui une illustre et magistrale œuvre musicale. A lui seul, il représente – et constitue – un riche patrimoine musical. Un patrimoine d'un niveau universel. Ceux qui l'ont connu disent de lui qu'il est à la fois «le Mozart, le Beethoven, le Vivaldi ou le Brahms kabyle». Considéré par ses pairs et par le public comme l'un des génies qui, par sa sensibilité et son talent, a révolutionné la chanson kabyle depuis 1956, Cherif Kheddam se révèle également comme le pionnier de la chanson moderne kabyle. Soucieux d'ouverture et de modernité, il a politisé le texte de ses chansons avec ‘Avrid iggunin idul' (Le chemin est encore long) (1972) dans lesquelles la jeunesse estudiantine kabyle des années 70 se reconnaissait. Même si Cherif Kheddam s'en est allé physiquement, il reste présent dans notre mémoire, cette mémoire collective et ce, grâce à son nom, son histoire et son parcours musical. Son œuvre restera éternelle. Cherif Kheddam est né le 1er janvier 1927 à Aït Bou Messaoud, un village dans la daïra d'Iferhounène, à 60 kilomètres au sud de Tizi Ouzou. Fils de paysan, il a fréquenté l'école coranique dans les années 1930 et 1940 avant d'émigrer en France comme des milliers de ses compatriotes poussés par la misère. Cherif Kheddam, qui a formé plusieurs générations de chanteurs kabyles – à l'instar d'Idir ou d'Aït Menguelet – était avant tout un poète. Un poète notamment de l'exil. Car comme ses contemporains, il a connu les affres de la séparation, de la rupture, du déracinement, du mal du pays, donc de l'exil. Il est arrivé en 1947 en France. Il s'établit à Saint-Denis puis à Epinay. De 1947 à 1952, il travaille dans une fonderie et de 1953 à 1961, dans une entreprise de peinture. Parallèlement à son dur métier, Cherif Kheddam, qui avait «la musique chevillée au corps et dans l'âme», s'initie aux instruments et prend des cours de solfège. C'est donc dans le contexte de l'émigration que Cherif Kheddam commence à pratiquer la musique et le chant. Ainsi, «il fera ses gammes comme tous les musiciens algériens de l'émigration dans les cafés parisiens où se rencontraient les travailleurs émigrés.» Il signe son premier contrat en 1956 avec la maison Pathé Marconi et commencera une carrière aussi riche que longue. Après plusieurs années d'exil en France, il rentre en Algérie quelque temps après l'indépendance. - A son retour en Algérie en 1963, Cherif Kheddam intègre la RTA (Radio et Télévision algériennes) où il occupera plusieurs postes avant d'animer une émission «Ighennayen Uzekka» (Les chanteurs de demain), sur la Chaîne II. Son émission sera une véritable pépinière d'où sortiront des légions de chanteurs et de chanteuses. C'est avec cette émission qu'il sera connu et hautement apprécié pour avoir déniché des talents, conseillé et encouragé les nouveaux venus au monde de la chanson. Parallèlement à ses propres productions, Cherif Kheddam composait pour d'autres grands artistes, à l'instar de Nouara. Chef d'orchestre aussi, il a animé, rappelons-le, deux grands récitals à la Coupole d'Alger en novembre 2004 et, quelques années plus tard, au stade olympique de Béjaïa. Avant de s'en aller, le poète avait promis un album qui n'est jamais sorti. La dépouille de Cherif Kheddam qui a été transférée vers une morgue près du cimetière Père Lachaise à Paris, serait rapatriée, demain, mercredi, dans son village natal d'Ait Bou Messaoud (Tizi Ouzou) où il sera inhumé.