Figure incontournable du lyrisme algérien, Chérif Kheddam vient de boucler son demi-siècle de carrière à plus de 80 berges. Il a tout ses cheveux, toutes ses dents et bien sûr toute l'énergie pour produire encore et encore. Pour cet anniversaire, rien de mieux pour un créateur comme lui, de compiler une œuvre riche, dense et surtout touchante à un public qui l'a suivi, aimé et cru en lui. Début 2000, l'on célébrait le chanteur et compositeur et même mentor de certaines vedettes algériennes à commencer par Nouara, son épouse, Ait Menguellet et même Tak, à la coupole d'Alger et au Zénith de Paris, l'œuvre d'un musicien discret mais profond. Les éditions Antinéa ont eu la généreuse idée de mettre ces deux concerts en DVD et en CD réalisés par l'édition Antinéa, disponibles d'ailleurs depuis quelques jours chez les bons disquaires, d'ici et d'outre-mer. Une projection a même été réalisée à Paris au grand bonheur de l'artiste dont beaucoup craignent pour sa santé. Le mois prochain, commencera le tournage d'un film sur la vie et l'œuvre du chanteur. On promet beaucoup d'images. Cela va de la fonderie où le jeune villageois a entamé sa vie d'émigré, aux cafés où il a milité pour l'indépendance et aux orchestres avec lesquels il a chanté. "Les plus grands de Paris." Par ailleurs, quelque 150 chansons ont été récupérées et doivent être réenregistrées avec une nouvelle orchestration. Ça sera signé Tahar Boudjellil.
L'indémodable Cherif Kheddam Il a plus de 82 ans, mais chérif Kheddam est remonté en 2009 sur invitation de Takfarinas, son disciple pour un concert donné, le 19 avril sur la scène du Zénith de Paris, à la faveur du 28è anniversaire du printemps amazigh. On ne l'avait pas revu sur scène à Alger depuis son gala de l'été 1993 à la salle Atlas. Pour le plus grand bonheur d'un public nombreux et fidèle au maître, Cherif Kheddam était de retour le 31 octobre 2005 à Alger, prélude à un second concert le 18 décembre à Paris. Sa dernière grande apparition à Paris remontait, quant à elle, à 1997. Cette année-là, avec un orchestre international dirigé par Amine Kouider, Chérif Kheddam fêtait au Palais des Congrès ses 40 ans de carrière, entouré des grands noms de la chanson kabyle. Comme pour mieux valider cet hommage que lui a rendu feu Tahar Djaout en 1993 : "Celui qui a été l'enfant remuant de la chanson kabyle ne saurait se retirer sur la pointe des pieds". Né en 1927 dans le village de Boumessaoud en Kabylie, Chérif Kheddam va à l'école coranique, travaille un temps à Alger avant de prendre le chemin de l'émigration à l'âge de vingt ans pour s'installer à Paris. Tout en travaillant à l'usine, il se met à la guitare, puis au luth. Remarqué dès son premier succès, Yellis etmourth-iw (Fille de mon pays), il est recommandé à Pathé Marconi où il fait la rencontre de Ahmed Hachlef, directeur artistique. Pour s'affranchir des scribes auxquels il était courant de faire appel à l'époque, Chérif Kheddam se met au solfège et à l'harmonie, apprend à noter ses mélodies et s'initie, au contact du tunisien Mohamed el Jamoussi, aux modes de la musique arabe. Le catalogue de Pathé Marconi où figure déjà Slimane Azem, aux côtés des égyptiens Mohamed Abdelwahab ou Farid el Atrache, accueille alors Chérif Kheddam. À sa manière et tout au long de sa carrière, il va s'efforcer d'enrichir le répertoire de la chanson kabyle en l'amenant à s'ouvrir sur la modernité tout en préservant ses caractéristiques. Instrumentiste, compositeur, parolier, il est aussi découvreur de talents. Ses émissions à la radio algérienne ont entre autres révélé Lounis Aït Menguellet. Premiers pas Chérif Kheddam commence à jouer au sein d'une troupe de musiciens dans des cafés dès 1954 en tant que chanteur. Il enregistre sa première chanson " A Yellis N'tmurtiw " qu'il compose en 1955 qui connait un certain succès grâce la diffusion du disque par la Radio-Télévision Française (RTF) et signe un contrat avec la maison Pathé Marconi EMI en 1956. Durant l'année 1958, il enregistre ses plus belles chansons comme Nadia, Djurdjura et Khir Ajellav n'Tmurtiw. Il chante la femme kabyle, l'exil, les montagnes du Djurdjura, l'indépendance et l'amour dans une poésie subtile et sensible tout en affirmant que pour lui la musique reste plus importante que les paroles. Il compose " Alemri", un bijou musical et poétique qui devient l'une de ses célèbres œuvres éternelles. Il rentre en Algérie en 1963 et rejoint la radio Chaîne II où il anime plusieurs émissions notamment Ighennayen Uzekka dans laquelle il déniche les nouveaux talents de la chanson kabyle en les conseillant et encourageant dans le choix de leur voix artistique comme Lounis Aït Menguelet, Idir, Imazighen Imula et le groupe Yougourten. Il est derrière la création de la chorale du lycée Fatma-N'soumer, et la célèbre chanteuse kabyle Malika Domrane fait partie de l'une des chorales lycéennes qui ont reprit cette idée. Chérif Kheddam prend sa retraite administrative en 1988 et s'installe dans la ville de Rouiba. Il a marqué la scène musicale algérienne en général et kabyle en particulier à travers un fabuleux patrimoine poétique et musical.