Misère - Les habitants du bidonville de Bordj el Kiffan vivent le calvaire à chaque averse. Les eaux de pluie mélangées à celles de la mer et des égouts inondent leurs baraques. Des dizaines d'habitations dressent leurs carcasses de tôle et de bois vermoulu au milieu de tonnes d'ordures. La profondeur des eaux qui ont «submergé» couchages, meubles et même cahiers et livres des écoliers, a atteint les 50 cm dans certaines habitations. Des odeurs nauséabondes se dégagent de cette eau qui est restée stagnée plusieurs jours. La situation de ces familles de Bordj El Kiffan est tout simplement catastrophique. Outre les odeurs nauséabondes, les maladies, ces eaux rendent invivables ces baraques construites avec des parpaings, des tôles et du bois. Certains habitants ont osé nous parler alors que d'autres se sont cachés de honte de leurs conditions lamentables. Les maisons de fortune qui leur servent d'abri ne les protègent ni contre le froid ni contre la pluie et encore moins contre la chaleur en été. En plus de cela, elles ne leurs procurent même pas le minimum d'intimité. En effet, toute ce qui se dit à l'intérieur s'entend de l'extérieur, même les moindres murmures. Ces baraques menacent de s'effondrer sur leurs occupants à tout moment. Les habitants vivent le calvaire depuis plusieurs jours. Ils ne dorment pas à cause du froid et de l'eau qui a tout inondé. «Nos enfants sont malades, beaucoup d'entre eux souffrent d'asthme et d'allergies», a indiqué à Infosoir Habiba, une mère de famille rencontrée sur le seuil de sa baraque. Interpelés à chaque tombée de pluie, les éléments de la Protection civile tentent aussi de pomper les eaux stagnantes à l'intérieur des baraques à l'aide de pompes et de tuyaux mais le niveau d'eau ne diminue pas. Les allées étroites des baraques sont complètement inondées. Pour y circuler, les habitants sont contraints, femmes et hommes, de porter des bottes en caoutchouc. Un spectacle désolant s'offre à nos yeux : une femme portant des bottes d'homme en caoutchouc tente de traverser une mare d'eau dont la profondeur et de près de 25 cm. «Où sont les autorités ? Jusqu'à quand vivrons-nous avec des promesses ?», nous a dit Mohamed, la soixantaine. «Les pouvoirs publics nous ont promis des logements depuis 2007, mais cette promesse n'a pas été tenue», a-t-il regretté. «Nous voulons du concret», a-t-il ajouté. Interrogé sur le réseau des fils électriques anarchiques qui pandouillent partout au niveau de ce bidonville où habitent plus de 600 familles, un délégué du quartier nous a expliqué que quatre personnes sont mortes électrocutées à cause de ce réseau, dont deux en 2012. «Pour éviter d'autres morts par électrocution, nous coupons le courant électrique à chaque tombée de pluie», nous a-t-il indiqué. Face à la sourde oreille des autorités locale et ne sachant plus à quel saint se vouer, ces «damnés de la terre» se contentent de lever leur mains vers le ciel à chaque tombée de pluie implorant Dieu d'épargner leurs vies et celles de leurs progénitures.