Le président de la République n?est toujours pas près de ranger son bâton de pèlerin à quelques encablures seulement de la grande course de la présidentielle de 2004, même si, pour lui, la question de rempiler n?est pas à l?ordre du jour, comme il l?a si bien dit dans son interview accordée au Figaro Magazine. Mais la parole n?est pas tout le temps le meilleur moyen pour un candidat aux ambitions légitimes pour faire passer son message et impressionner de facto et le microcosme politique et l?applaudimètre. Là où il atterrit dans l?Algérie d?en bas, loin des salons feutrés, Bouteflika fait étalage de sa générosité en proposant des enveloppes mirobolantes cassant carrément la tirelire. Annaba, Souk-Ahras, Batna, Guelma et tout récemment Mascara auront été les grands bénéficiaires de son «opération de charme» qui lui vaudra incontestablement des longueurs d?avance sur des candidats qui, à l?heure actuelle, ne se bousculent pas au portillon. Mais cette manne financière puisée dans un Trésor déjà dans de beaux draps en raison d?une situation économique des plus précaires s?inscrit aujourd?hui en porte-à-faux avec l?idée même de Bouteflika de rayer du dictionnaire le vocable d?Etat-providence, exhortant, à chaque fois, les citoyens à retrousser ses manches et à ne plus compter sur l?Etat qui «n?en peut plus». Sur ce registre, le président Bouteflika est intervenu à maintes reprises, lors de ses différentes sorties sur le terrain et dans les séminaires et colloques auxquels il était convié, pour marteler, à qui veut l?entendre, que l?Etat n?a ni logement, ni argent, ni emploi à donner aux gens et que ces derniers doivent absolument se prendre en charge. Que faut-il donc comprendre dans cette volte-face et ce changement de cap ? Cette politique à deux vitesses, ancrée, il est vrai, dans nos habitudes séculaires et érigée en règle immuable à chaque échéance capitale, telle l?élection présidentielle, n?arrange sans doute guère des citoyens appelés occasionnellement à élire leurs gouvernants sans que leur mode de vie, précaire à bien des égards, change d?un iota. Les coins de cette Algérie d?en bas auxquels Bouteflika a rendu furtivement visite savent aujourd?hui que l?embellie n?est qu?éphémère, l?espace d?une virée présidentielle aux couleurs festives sur fond de velléités politiques et électoralistes surtout. Une fois les lieux désertés, les Mascara, Guelma, Souk-Ahras rempileront avec la misère au quotidien, le c?ur meurtri d?être éternellement oubliées.