Désagrément - Le préposé au guichet d'enregistrement des bagages fusille Mounia d'un regard à la fois hostile et décourageant. Puis il soupira avant de marteler d'une voix très forte : — Mademoiselle, vous me faites perdre mon temps et celui des passagers ! Je me tue à vous dire depuis une heure que vous avez le choix entre payer la somme de 1 250 FF ou de laisser ici la moitié du contenu de vos deux valises ! La jeune fille de 25 ans ne sait plus quoi dire, cela fait aussi plus d'une heure qu'elle lui répète qu'elle n'a plus sur elle qu'un billet de 50 FF et deux billets de 100 dinars. Une heure qu'elle lui ressasse également qu'elle ne peut pas non plus vider la moitié de ses valises car elles contiennent non pas des habits ou des bibelots mais des médicaments et des friandises pour diabétiques.(*) — S'il vous plaît mademoiselle, vous gênez les autres passagers, reprend le fonctionnaire de l'aéroport international de Lyon de sa voix de stentor. — Non, je ne gêne personne... Je suis sortie de la file et depuis, il y a au moins une quinzaine de personnes qui ont réglé leur problème d'embarcation. Mounia se saisit de ses deux grosses valises, s'éloigne d'une vingtaine de mètres et les dépose sur un banc. Son regard angoissé se met ensuite à scruter les visages des gens qui se trouvent dans le gigantesque hall. Elle est convaincue qu'elle finira par voir une connaissance qui lui viendrait en aide. Mais elle a vite fait de déchanter. Autour d'elle, elle voit des Italiens, des Allemands, des Japonais (ou des Chinois) mais peu d'Algériens. A son arrivée, vingt jours plus tôt, l'aéroport de Lyon grouillait de Maghrébins, à tel point qu'elle avait cru s'être trompée d'avion et de destination. Il lui avait fallu deux bonnes minutes avant de se convaincre qu'elle était bien en France et non à Tunis, Casablanca ou dans quelque autre aéroport du Maghreb. Mais cette fois-ci elle se sent seule, isolée, perdue au milieu d'une foule bigarrée composée essentiellement d'Européens. — Vous avez un problème, mademoiselle ? dit soudain une voix à côté d'elle. Mounia sursaute et lève la tête. En face d'elle, un homme d'une très grande taille. Pour voir son visage, elle doit pencher sa tête en arrière. (A suivre...) (*) Les événements de ce récit ont eu lieu en 1987.