La galère de l'enfance abandonnée est une réalité dans notre pays : de petits mendiants, de petits revendeurs, de petits délinquants, de petits drogués pour détruire la société ou s'autodétruire. La solitude, la maladie, la prison ou la mort finit par être la seule «récompense» offerte à ces innocents. Sans aucun espoir de voir un jour pointer le nez d'un bonheur confisqué, leur vie est synonyme de peur, de vide, de reniement, d'absence de perspective et de chemin parsemé d'embûches et de désespoir pour ces enfants qui n'ont pas choisi et ne peuvent pas non plus choisir leur destin. Quant à un avenir...? R. K. 3 000 enfants abandonnés par an Innocence n «Sous un toit d'or ou dans une chaumière, tous les enfants ont un royaume», chantait le poète. Bien sûr, il parlait naïvement de cet univers que se fabriquent les gamins et leurs immenses capacités à s'isoler dans leur monde mais, de nos jours, la poésie n'a plus cours et... en guise de royaume ? «L'Algérie enregistre, annuellement, 3 000 enfants abandonnés», selon Habib Khelfallah, président de l'Association de prévention et de soutien à la jeunesse (APSJ). Ce dernier précise que ce chiffre demeure une estimation en l'absence de statistiques officielles. Il déplore l'absence de politique de communication ou de prévention et de placements de ces enfants dans des familles d'accueil en vue de leur adoption, plus tard. «Ils sont rares, même très rares, les enfants abandonnés qui arrivent à se forger une personnalité équilibrée à l'âge adulte», nous dit-il. Parmi cette «denrée» rare, nous avons rencontré Khaled S., abandonné à sa naissance, qui s'est forgé une personnalité de fer. Aujourd'hui, sa démarche est claire, son objectif bien déterminé : faire changer les mentalités et les lois jugées hostiles aux enfants nés sous X. «A la découverte de mon statut d'enfant abandonné, je me suis réfugié dans une profonde solitude, une timidité aiguë s'est installée en moi. Et les questionnements me pourrissaient l'existence de jour en jour. Dans mes nuits, des larmes coulées silencieusement, il ne fallait surtout pas que ma mère adoptive s'en aperçoive. Effectivement, elle était extrêmement protectrice au point de pouvoir détruire le premier qui oserait s'approcher de moi pour me parler de mon statut. Elle ne pouvait admettre que je n'étais pas son enfant.» Si dans les pays nantis, c'est l'occasion pour demander que les politiques de scolarisation, de distractions et de la promotion des enfants soient peaufinées tout en sachant que cette frange est menacée par les multiples fléaux sociaux qui guettent toute société, dans les pays pauvres ou en voie de développement, en revanche, c'est tout autre avec une réalité «ahurissante». Là, les enfants acquièrent le statut d'adulte avant terme, biologiquement parlant, pour affronter les affres de la violence, des sévices corporels et sexuels, dans une indifférence totale des gouvernants adultes, plus préoccupés par leur survie politique alors que les organisations non gouvernementales affichent leur impuissance à changer quoi que ce soit. Il ne faut plus se voiler la face et avoir le courage d'avouer que le constat est amer quant à la situation que vit ou plutôt subit cette frange de la population. Dans toutes les sociétés, et ce, depuis des temps immémoriaux, la famille est la cellule constituante. De ce fait, c'est aux parents qu'incombent le droit et l'obligation d'éduquer et de prendre en charge leurs progénitures. Mais lorsqu'un ou les deux piliers font défaut, alors c'est l'invite aux insuffisances engendrant bien des désastres. Rabah Khazini