Résumé de la 114e partie - Marcelle, dont le bras gauche s'ankylose, va se faire une piqûre de morphine, pour être en forme le lendemain chez Christiane, veillée cette nuit par sa femme de chambre... Je lui livrerai, en dosant habilement mes effets, le secret qui sera censé m'étouffer et que j'aurai l'air de ne pas pouvoir garder pour moi seule... Secret de la nature profonde du mal véritable qui la ronge : le cancer du poumon... Secret aussi que je paraîtrai avoir beaucoup hésité à lui confier et qu'elle doit être seule à connaître avec moi... — Naturellement, tout cela ne pourra pas être dit en une fois : je procéderai par paliers successifs. J'ai acquis une certaine pratique dans cet étrange domaine... Je jetterai d'abord le doute, puis j'en viendrai aux précisions après avoir eu bien soin de lui faire passer une ou plusieurs radios clandestines à l'insu de Denys. Quand elle sera intimement persuadée d'être atteinte, je commencerai par parler du seul remède possible... et quel remède ! Prodigieux ! Elle croira suivre un traitement rationnel du cancer - qui ne lui fera aucun effet puisqu'elle n'est pas atteinte - et négligera de se faire soigner pour éviter une rechute pleurétique. L'idée fixe de se débarrasser du cancer l'absorbera complètement et, pendant ce temps, l'état de ses poumons ne s'améliorera pas. Ce sera chez elle une sorte d'asphyxie lente et méthodique... — J'ai souvent pensé que, si l'on voulait se débarrasser de quelqu'un sans gros risques, il n'y avait qu'à imiter certains médecins incapables qui soignent aveuglément une fausse maladie parce qu'ils n'ont pas découvert la vraie. Le plus étonnant est que ces médecins agissent consciencieusement sans même se rendre compte qu'ils ne sont que de véritables assassins ! Et s'il leur arrive de s'en apercevoir à la suite d'une consultation avec un confrère plus clairvoyant, il est généralement trop tard pour faire machine arrière : le mal irrémédiable est fait, le malade est perdu. Le confrère, qui a diagnostiqué juste, se tait : il préfère se retrancher derrière l'admirable invention du secret professionnel plutôt que de révéler au grand jour la faute impardonnable d'un collègue. Pourquoi se faire un ennemi dans la profession ? Les loups ne se sont jamais mangés entre eux... et certaines révélations de dernière heure ne risqueraient-elles pas d'amener un discrédit regrettable sur toute la corporation ? Il vaut mieux faire le silence qui fait oublier... Quelquefois, cependant, surtout dans les hôpitaux, on procède à l'autopsie quand tout est fini. Alors la vérité brutale éclate, monstrueuse. Seulement les autopsies se font entre médecins ou gens soi-disant qualifiés. C'est fou ce qu'ont révélé ces autopsies ! Mais le premier intéressé, le défunt, n'est plus là pour se défendre. Ses parents ou ses proches se disputent déjà l'héritage faut bien vivre ! Que de secrets mortels sont restés enfouis ainsi... Si j'ai laissé cet espace blanc, c'est simplement parce que j'ai dû m'arrêter d'écrire brusquement hier soir. (A suivre...)