Tension - Une semaine après le naufrage tragique de Lampedusa, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le chef du gouvernement italien Enrico Letta ont été accueillis ce matin sur l'île par les huées d'habitants en colère. «Honte!", "assassins!", a crié un petit groupe d'habitants venus les attendre à l'aéroport en brandissant des photos de migrants. Les manifestants ont continué à crier leur colère au passage de l'escorte officielle -dans laquelle figuraient également la commissaire chargée des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, et le vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur italien Angelino Alfano- vers le petit port. Là, les personnalités devaient se recueillir devant les corps de 289 migrants, en majorité érythréens, repêchés en mer et alignés dans un hangar, après le naufrage de jeudi dernier qui a fait entre 300 et 390 morts. Sur l'île de moins de 6.000 habitants, la tension est à fleur de peau, alors que les immigrés clandestins sont parqués dans un centre d'accueil surpeuplé. Les politiques italienne et européenne d'accueil des immigrés clandestins restent vivement critiquées. Après des jours de pluie, dans le centre transformé en champ de boue, une vive tension régnait. Les immigrés ont réclamé hier mardi leur transfert, en jetant des matelas par la fenêtre. "C'est insoutenable. Au centre d'accueil, les conditions sont inacceptables, c'est une honte, il y a tant d'enfants. On essaie d'aider mais on n'a pas les moyens", a déclaré aux médias une habitante venue manifester à l'aéroport. La maire de Lampedusa, Giusi Nicolini, a estimé qu'une visite des dirigeants italiens et européens au centre d'accueil était "une étape indispensable", "pour voir de près l'immense tragédie qui se vit sur l'île". "Je crois que le gouvernement italien doit demander des excuses aux enfants et aux survivants pour la manière dont notre pays les traite. Seulement après, nous pourrons demander à l'Europe d'assumer ses propres responsabilités", s'est-elle emportée. Un journaliste de l'hebdomadaire italien l'Espresso, Fabrizio Gatti, qui s'était mêlé aux clandestins lors d'une traversée dans le passé, a lancé une campagne de signatures pour que l'île de Lampedusa et ses habitants, mais aussi les naufragés qui fuient les guerres et les dictatures, reçoivent le Prix Nobel de la paix, attribué l'an dernier à l'Union européenne. Selon le site Forteresse Europe, cité par Fabrizio Gatti, 6.825 sont morts noyés dans les eaux de Lampedusa depuis 1994, dont 2.352 dans la seule année 2011, le plus souvent dans l'indifférence générale.