Résumé de la 87e partie ■ Quand le révérend lui avait parlé de sa femme, elle avait été quelque peu interloquée, mais s'était souvenue avoir entendu dire que les pasteurs avaient le droit de se marier. Elle n'a aucune religion. — Quelle horrible femme ! gloussa Mrs. Hall. J'ose espérer que vous la verrez le moins possible, David ? — Au contraire ! Mon devoir me commande d'essayer de l'amener progressivernent à la pratique de notre culte. — Il y a beaucoup d'autres malades à convertir avant elle, père... — Tous les malades sans religion sont à convertir, mon enfant, mais aucun d'eux n'a un droit de préséance spirituelle. N'oublions jamais que Notre Seigneur a dit : «Les derniers seront les premiers.» Le Révérend David Hall avait réponse à tout. Son calme avait toujours raison, à la longue, des bavardages de son acariâtre épouse ou des questions indiscrètes d'Agathe. Il savait, par ces quelques phrases échangées pendant le lunch, que la nouvelle habitante blanche de Makogaï serait le principal sujet de conversation de Mrs. Hall et de sa fille pendant des semaines, des mois, des années... Cela l'agaçait. II fallait absolument parler d'autre chose ; aussi posa-t-il brusquement une question : — Agathe, quand désirez-vous que nous rendions vos fiançailles avec le Dr Fred officielles ? Ce jour-là, je devrai donner une party à laquelle il me faudra convier le cher Watson, le Père Rivain, la Mère Dorothée et toute notre petite colonie. — David, trancha Mrs. Hall ; vous attendrez, pour lancer vos invitations, que ma nouvelle robe soit prête... Chantal était allongée dans un hamac, sous la véranda, depuis de longues heures. Elle ne pouvait pas s'endormir et regardait, de ce poste d'observation surélevé, le chemin passant au pied de son escalier. La vie semblait s'être arrêtée complètement sous l'effet de la chaleur accablante ; aucun bruit ou cri ne troublait le silence ; au loin, sur le bleu, immaculé de la rade, aucune voile ou embarcation n'animait les eaux endormies du Pacifique. La jeune femme avait la fièvre et savait qu'elle l'aurait sans cesse tant qu'elle séjournerait sur cette terre désolée. Makogaï, l'île des lépreux, n'était pas l'un de ces hauts lieux du monde où l'on pouvait conserver son calme physique et moral. Tous les habitants de Makogaï avaient la fièvre. Chantal s'en était rendu compte à la minute où elle avait pris contact avec ce sol étrange. La maladie, qui régnait en maîtresse absolue sur l'îlot, n'était faite que d'une succession ininterrompue de fièvres et de dépressions nerveuses : Chantal commençait à s'en apercevoir douloureusement. Elle était tour à tour exaltée ou abattue ; son front restait brûlant quand ses membres étaient de glace. Ce qui lui ôtait sa force et le goût de tout. Les autres malades, rivés à leur chaîne de douleur depuis des années, devaient être dans un état pitoyable : leur fièvre était intense, lancinante, éternelle... (A suivre...)