Hypothèses ■ Face au silence saoudien, plusieurs théories ont commencé à voir le jour, faisant du royaume wahhabite le grand instigateur d'un jeu géopolitique qui nécessite un prix bas du baril . L'une des thèses voudrait que l'Arabie Saoudite agisse de concert avec son allié américain pour faire davantage pression sur la Russie. Moscou dépend, en effet, de ses exportations d'hydrocarbures et se porte d'autant mieux que les cours du pétrole sont hauts. Le géant russe du pétrole, Rosneft, a affirmé à la mi-octobre que Ryad acceptait de vivre avec un pétrole peu cher dans le but de couler l'économie russe. Ce serait une sanction cachée qui s'ajouterait à celles décidées par les Etats-Unis et l'Europe et qui frappent le Kremlin depuis le début de la crise ukrainienne. L'autre hypothèse fait des Etats-Unis et du Canada les victimes d'une supposée politique saoudienne de l'or noir à bas prix. «C'est une sorte de guerre contre les producteurs de pétrole américain»,a affirmé à la chaîne conservatrice américaine Fox News Phil Flynn, un analyste du cabinet de conseil Price Futures Group. «L'Arabie Saoudite et d'autres pays africains peuvent davantage se permettre de supporter un pétrole moins cher que les Etats-Unis», explique Céline Antonin. En effet, les techniques d'exploration et d'extraction du pétrole non conventionnel aux Etats-Unis et au Canada sont plus chères à financer. Leurs marges sont donc plus sensibles à la baisse des prix, ce qui permet à l'Arabie Saoudite d'être plus compétitive pour garder ses parts de marché. Une simple question d'offre et de demande. Mais pour la spécialiste de l'OFCE, la règle de l'offre et de la demande suffit amplement pour comprendre cette chute des prix. Pas besoin d'y voir une stratégie de l'Arabie Saoudite. «La demande évolue à un niveau faible et l'offre est surabondante», rappelle-t-elle. «La demande américaine est moins forte à cause du boom du gaz et du pétrole de schiste aux Etats-Unis», explique encore Céline Antonin. Les pays émergents sont, également, moins demandeurs que prévu et le marasme économique européen ne fait rien pour arranger les choses. Du côté de l'offre, l'Opep n'a pas «varié depuis deux ou trois ans son objectif de production quotidienne qui est de 30 millions de barils par jour», remarque la spécialiste. Elle rappelle que la Libye a recommencé à produire de l'or noir et, aussi, que les infrastructures pétrolières irakiennes semblent moins endommagées que prévu. «Les investisseurs s'attendent donc à ce que la production augmente encore, ce qui maintient une pression à la baisse sur les prix», analyse Céline Antonin.