Résumé de la 7e partie n Jenny sortit et recula de quelques pas sur le trottoir pour pouvoir contempler le tableau à distance. Pourquoi ? Peut-être à cause de la tristesse exprimée dans son regard. Ou seulement parce que tout le tableau évoquait un froid mordant ? Quivoudrait rester assis dehors par un temps pareil ? Pour-quoi ne pas regarder le coucher du soleil d'une fenêtre à l'intérieur de la maison ? Jenny frissonna. Elle portait le chandail à col roulé, cadeau de Noël de son ex-mari Kevin. Il était passé sans prévenir à l'appartement, la veille de Noël, avec ce chandail pour Jenny et des poupées pour les filles. Pas un mot sur le fait qu'il ne versait jamais la pension alimentaire, et qu'il lui devait plus de deux cents dollars d'«emprunt». Le chandail bon marché n'était pas bien chaud. Mais il avait au moins le mérite d'être neuf et son ton turquoise mettait en valeur la chaîne en or et le pendentif de Nana. Heureusement, l'un des privilèges des gens appartenant au monde artistique était de pouvoir s'habiller à leur guise, et la jupe de lainage trop longue de Jenny, ses bottes trop larges ne constituaient pas nécessairement un signe de pauvreté. Malgré tout, mieux valait rentrer à l'intérieur. Il ne manquerait plus qu'elle attrapât la grippe qui circulait dans tout New York. Elle jeta un dernier coup d'œil au tableau, admirant le talent avec lequel l'artiste amenait le regard du spectateur de la silhouette assise dans la véranda à l'enfant, puis au soleil couchant. «Magnifique, murmura-t-elle. Absolument magnifique.» Elle recula inconsciemment d'un pas en parlant, dérapa sur le trottoir glissant et heurta quelqu'un. Deux mains fortes la retinrent par les coudes. «Avez-vous pour habitude de sortir sans manteau par ce temps et de parler toute seule?» Le ton était mi-amusé, mi-agacé. Jenny pivota sur elle-même. Confuse, elle bégaya : «Je suis vraiment désolée. Excusez-moi. Vous ai-je fait mal ?» Elle se dégagea et s'aperçut alors que le visage en face d'elle était celui reproduit sur la brochure qu'elle avait passé la matinée à distribuer. Dieu du ciel ! pensa-t-elle.C'est bien ma chance d'aller me cogner dans Erich Krueger ! Elle vit son visage pâlir, ses yeux s'agrandir. Il serra les lèvres. Il est furieux, se dit-elle, consternée. Elle lui tendit la main d'un air contrit. «Je suis absolument navrée, monsieur Krueger. Je vous prie de m'excuser. J'étais tellement absorbée par le portrait de votre mère. Il est... il est indescriptible. Oh, mais rentrez. Je suis Jenny Mac-Partiand. Je travaille à la galerie.» Il la fixa un long moment, étudiant son visage trait partrait. Ne sachant quelle contenance adopter, elle resta sans mot dire. Peu à peu, elle vit sa physionomie s'adoucir. «Jenny.» Il sourit et répéta : «Jenny.» Puis ajouta : «Je n'aurais pas été surpris si vous m'aviez dit... mais peu importe.» A suivre