Résumé de la 1re partie Une vipère cornue se trouve indubitablement sur la chaussure gauche de Higgins.Il faut faire quelque chose avant qu?elle n?arrive jusqu?au genou ! Mais deux minutes plus tard, quand le colonel a enfin son revolver en position, la vipère cornue s'est enroulée autour du mollet de Higgins. Elle mesure au moins 60 centimètres de long. Son horrible tête plate et triangulaire, si caractéristique, avec les deux petites excroissances, est posée bien à plat juste sous le genou du major, avec une insistance douteuse. Sous la tente, aucun des officiers ne dit plus mot ; d'une voix toujours très calme, de ce ton britannique à la fois courtois et glacé, qui n'exprime aucun sentiment personnel, le colonel demande : «Higgins, que préférez-vous ? que je vous casse le genou, ou que je la laisse monter dans votre short ?» Les shorts de l'armée britannique sont très longs et très larges. Celui de Higgins, comme tous les autres, bâille largement à dix centimètres de son genou, c'est-à-dire à quinze centimètres à peine de la tête venimeuse. Des gouttes de sueur perlent sur le front du major. Il a posé ses cartes sur la table, ses coudes sont posés bien à plat. Cela fait maintenant trois minutes qu'il est parfaitement immobile. Ses camarades, eux, peuvent du moins doucement changer d'appui. Lui ne peut faire aucun mouvement. Il n'y a pas de sérum pour cette vipère-là. Si elle pique, c'est la mort en moins de trois minutes. Le pauvre Higgins dit lentement : «Mon colonel, cassez-moi le genou !» Mais le colonel hésite. Casser le genou d'un homme, c'est le rendre infirme à vie. D'autre part, dans ce campement de tentes, il n'y a pas de quoi le soigner comme dans un hôpital. Le colonel commence pourtant à relever doucement le canon de son arme. C'est un gros revolver d'ordonnance. A moins d?un mètre, la balle doit mettre la tête de la vipère en bouillie, mais va aussi enfoncer les débris dans le genou de Higgins, risquant même d'y introduire le venin ! De toute façon, l'articulation du genou, la rotule, tout va être emporté, et sûrement l'artère avec ! Il faudrait que la vipère se déplace un peu. Or, la voilà qui remonte, elle va s'engager dans le short. «Higgins, je vais probablement vous casser la cuisse, mais c'est moins grave que l'articulation, et si je la laisse continuer, dans un instant, je ne verrai plus sa tête !» Le pauvre Higgins n'en peut plus. D'une voix qu'il essaie malgré tout de rendre ferme, il dit : «Mon colonel, devant tous nos camarades qui sont témoins, c'est moi qui vous demande de tirer !» Le colonel tire et lui casse le fémur, juste au-dessus du genou. Et la vipère est décapitée. Six mois plus tard, le major Higgins revient au campement avec des béquilles. Il a été soigné à l'hôpital de New Delhi. Il boitera, il est réformé, il vient faire ses adieux à ses camarades qui le plaisantent pour ne pas perdre les bonnes habitudes. «Ce veinard de Higgins ! Allez, viens faire une dernière partie de whist avant de rentrer au pays !» lIs s'installent sous la tente, comme la première fois, et les camarades de Higgins échangent des clins d'?il. Ce brave Andrew ! lIs ne vont pas le laisser partir sans lui faire une bonne blague. Il faut le voir une dernière fois en colère ! Et, au beau milieu de la partie, l'un des officiers lance brutalement, cette fois en désignant les pieds du major : «Higgins ! Un serpent ! Là ! Encore un !» Et ça marche, le pauvre Higgins, au lieu cette fois de s'immobiliser, fait un bond sur sa chaise, au point que ses cartes lui échappent des mains ! Il devient blanc, puis très rouge. On voit, un bref instant, son visage indigné se convulser de colère... comme s'il allait dire : «Ah ! c'est malin !... Ah ! c'est intelligent !...» Mais il ne dit rien et il tombe raide mort. Parce que, cette fois, c'était trop. Il était cardiaque, ses joyeux camarades l'avaient quelque peu oublié !