Résumé de la 184e partie n Le shérif étudiait le tableau, son visage soudain défait, creusé de profonds sillons. Rooney apparut sur le seuil de la porte. Elle avait les joues un peu plus remplies, de grands yeux calmes. Jenny sentit ses bras maigres l'étreindre. «Jenny, vous m'avez manqué. — Vous aussi, vous m'avez manqué», parvint-elle à prononcer à travers ses lèvres crispées. Elle en était venue à accuser Rooney de tout ce qui était arrivé, rejetant ses confidences comme le fruit d'un cerveau dérangé. «Jenny, où sont les enfants ? Puis-je leur dire bonsoir ?» La question lui fit l'effet d'un coup en plein visage. «Erich est parti avec elles.» Sa voix tremblait, une voix au timbre artificiel. «Allons, Rooney, tu reviendras demain. Il vaut mieux rentrer à la maison. Le docteur voulait que tu te mettes tout de suite au lit», tenta de la convaincre Clyde. Il la prit par le bras, la fit avancer et, tournant la tête en partant : «Je reviens tout de suite», dit-il. En l'attendant, Jenny s'efforça de raconter comment elle avait découvert le chalet. «C'est grâce à vous, Mark. Hier soir, vous êtes resté silencieux lorsque j'ai dit que les enfants seraient bien avec Erich. Plus tard, dans mon lit...j'ai su... que vous étiez inquiet pour elles. Et j'ai commencé à réfléchir. Si ce n'était ni Rooney, ni Elsa, ni moi... L'idée restait ancrée dans mon esprit : Mark a peur pour les enfants. Et j'ai pensé : Erich, ce ne peut être qu'Erich. La première nuit... il m'a obligée à porter la chemise de nuit de Caroline... Il voulait que je sois Caroline... Il est même allé dormir dans son lit d'enfant. Et il plaçait toujours ces savons au pin sur les oreillers des enfants. Je savais que c'était lui. Et Kevin. Il a dû écrire — ou téléphoner — pour prévenir de son arrivée dans le Minnesota... Erich jouait tout le temps au chat et à la souris avec moi. Il devait savoir que j'avais rencontré Kevin. Il surveillait le kilométrage de la voiture. On a dû lui raconter les propos de la femme dans le restaurant. — Jenny ! — Non, laissez-moi vous raconter. II m'a emmenée à nouveau dans le restaurant. Quand Kevin a menacé d'interrompre la procédure d'adoption, il l'a fait venir ici. Voilà pourquoi l'appel venait de notre téléphone. Erich et moi mesurons la même taille lorsque je porte des chaussures à talons. Avec mon manteau... et la perruque brune — on pouvait le prendre pour moi jusqu'à ce qu'il fût dans la voiture. Il a sans doute frappé Kevin. Et Joe. Erich était jaloux de Joe. Il a pu rentrer un jour plus tôt ; il était au courant de l'histoire de la mort-aux-rats. Mais mon bébé. Il haïssait le bébé. Sans doute à cause de ses cheveux roux. Dès le début, en lui donnant le nom de Kevin, il devait avoir l'intention de le tuer.» Ces sanglots sans larmes, rauques, venaient-ils d'elle ? Elle ne pouvait plus s'arrêter de parler. Il fallait qu'elle raconte. «Ces nuits où je sentais quelqu'un se pencher au-dessus de moi. Il ouvrait la cloison. A suivre Mary Higgins Clark tragédies D'hier et d'aujourd'hui : Massacre familial dans la Sarthe 12e partie et fin Résumé de la 11e partie n Entendue comme témoin lors d'une expertise psychiatrique en 2010, Martine Leprince avait déclaré : «Je me demande si je n'ai pas fait quelque chose. J'ai peut-être tué quelqu'un, je l'ai dit à mon avocate»... Les psychiatres dressèrent de Martine Leprince le portrait suivant : «Madame Leprince-Compain a un niveau d'intelligence moyen supérieur et ses raisonnements sont élaborés. Elle est mature, affectivement. Dans ses propos, elle exprime peu d'affects. Son seuil d'émotivité est supérieur à celui de la population générale. Elle est sociable, et sa socialisation est tout à fait correcte, malgré la méfiance que lui inspire l'attitude des gens depuis le début de cette affaire. Elle ne présente pas de tendance à l'affabulation, mais son discours peut apparaître inauthentique et utilitaire, si l'on se réfère à ses contradictions, à ses comportements inadaptés qu'elle ne peut expliquer et à l'absence de difficultés de mémoire, contrairement à ses dires.» En d'autres termes, l'épouse Leprince aurait, selon les psychiatres, simulé son amnésie. Quoiqu'il en soit Martine Leprince ne fut jamais inquiétée par la Justice et ses déclarations jamais mises en doute. Un magistrat avait réclamé sa mise en examen en 2011, ainsi que l'ouverture d'une enquête afin de déterminer son rôle éventuel, mais la Cour de révision a refusé cette procédure. «Si on soupèse les charges contre Dany Leprince et les éléments qui peuvent être retenus contre Martine Compain, on s'aperçoit que les charges contre Dany Leprince mènent à la réclusion criminelle à perpétuité tandis que les charges contre Martine Compain mènent à une audition comme témoin. Pourquoi n'a-t-elle pas été mise en examen ? C'est incompréhensible» avait jugé l'avocat général Claude Mathon en 2011... De son côté, l'ex-épouse de Dany Leprince se dit aujourd'hui certaine de la culpabilité de son ancien conjoint. Elle réfute toute liaison avec quiconque, enquêteurs inclus, et explique ses imprécisions par le traumatisme qu'elle avait subi à l'époque. En 2011, elle déclarait à la presse : «Je suis certaine que c'est Dany. Je n'arrive pas encore à me souvenir de tout, mais il y a toujours des choses qui reviennent comme ça, par morceaux. On arrivait déjà tout juste à joindre les deux bouts. Dany sentait qu'il n'y arrivait pas. Il aurait voulu devenir un des plus gros agriculteurs du coin, ça le frustrait. Il faisait deux journées en une. Il avait laissé tomber le foot, il ne voulait plus voir ses copains. Il avait arrêté de fumer. Il devenait agressif pour n'importe quoi, toujours sous tension. Il était gentil, mais il suffisait d'un regard pour qu'on se taise. Je pense que la dernière année, il faisait une dépression, j'aurais dû faire quelque chose mais c'était difficile, il ne voulait rien admettre. Pourtant, je me reproche toujours de n'avoir rien pu faire. Au moins le convaincre de voir un médecin»... Aujourd'hui chacun des deux ex-époux continue d'accuser l'autre. Pour autant, aucun scénario clair ne semble jamais devoir se dégager... L. Aït Saïd HistoireS étranges / Le Bag-Noz : la barque des morts 3e partie et fin Résumé de la 2e partie n À l'île d'Arz, à l'île aux Moines, et dans quelques autres localités du Morbihan, il est assez souvent parlé de vaisseaux de haut bord montés par des hommes et par des chiens de taille gigantesque. Presque chaque année, le jour des Morts, on voit apparaître au bout de la jetée de Dieppe un des navires qui ont péri depuis un an. On le reconnaît, ce sont ses voiles, ses cordages, sa mâture. Le gardien du phare lui jette la drome, l'équipage la saisit et l'attache à l'avant-pont, suivant l'usage. Alors le gardien crie aux gens du port : «Accourez ! Veuves, voici vos maris ; Orphelins, voici vos pères !» Et les femmes accourent, suivies de leurs enfants ; tous s'attellent à la drome et halent le bateau. Bientôt dans le bassin, près du quai, chacun reconnaît ceux qui sont à bord : «Bonjour, mon homme ; bonjour, mon père ; bonjour, Pierre, Nicolas, Grégoir !» L'équipage ne répond pas. «Alors, amenez vos voiles !» les voiles restent tendues. «Venez donc, que nous vous embrassions.» À ces mots on entend sonner la messe, et aussitôt les voiles, le bateau, l'équipage, tout disparaît ; les femmes et les enfants des naufragés s'en vont à l'église en pleurant. «Payez vos dettes» murmure autour d'eux la foule des spectateurs. Une barque, montée aussi par des âmes en peine faute de prières, apparut à deux marins, dont le bateau, surprit par la marée, s'était échoué dans la rivière de Quimper. Ils s'étaient roulés dans leur voile et allaient s'endormir en attendant le retour du reflux, quand ils furent hélés à plusieurs reprises par une voix forte qui leur demandait, en les appelant par leur nom, d'aller chercher des gens embarrassés. À la fin, ils regardèrent dans la direction de la voix et virent que le fond de la baie venait de s'éclairer subitement d'une lumière qui semblait sortir des eaux. Dans cette lumière se profilait une barque où cinq hommes, pareillement vêtus de cirés blancs parsemés de larmes noires, se tenaient debout, les bras tendus. L'un des marins, pensant que c'étaient des âmes en détresse, leur cria qu'ils étaient échoués, mais était prêt à faire ce qu'ils pourraient pour eux. Alors, les cinq fantômes s'assirent chacun à leur banc et se mirent à ramer, mais comme ils ramaient tous du même côté, le bateau, au lieu d'avancer, virait sur place. Les deux marins, avec de l'eau à mi-jambe, se dirigèrent vers la barque blanche, mais quand ils furent tout proches, elle sombra soudain et la lumière de la baie disparut. À la place où étaient les quatre rameurs s'allumèrent quatre cierges, et le cinquième, celui qui tenait tout à l'heure le gouvernail, avait encore la tête et les épaules au-dessus de l'eau. L'un des matelots lui ayant demandé s'il était de Dieu ou du diable, l'homme lui répondit : «Nous sommes ici cinq âmes qui attendent le passage d'un homme de bonne volonté.» Comme le marin lui répondait qu'ils étaient disposés à faire ce qui était nécessaire pour les délivrer, il ajouta que pour cela, il fallait faire dire cinq messes mortuaires pendant cinq jours, au maître-autel de Plomelin, auxquelles devaient assister trente-trois personnes. Lorsqu'elles eurent été dites, les marins retournèrent à la baie où la lumière se montra de nouveau au-dessus des flots, et les cinq fantômes apparurent dans la barque, encore vêtus de leurs cirés blancs, mais les larmes en avaient disparu, ils avaient l'air heureux et une musique délicieuse se fit entendre pendant qu'ils remerciaient par trois fois les marins.