Autrefois, notamment pour les femmes, les canons de la beauté exigeaient des rondeurs : la belle femme était celle qui avait une forte poitrine et un ventre rebondi, des jambes et des bras puissants. Dans certaines régions même, on gavait les filles à marier comme ailleurs on gavait les oies pour Noël : miel, graisses et pâtes étaient au menu des belles qu'on choyait et qu?on gardait à la maison sans activité. Le jour des noces, on était fier d?exposer une fille toute ronde, toute blanche, pour le bonheur de sa famille et de sa belle-famille. C'est qu?être ronde était un signe de bonne santé et de vigueur, c?était aussi le signe que la mariée donnera à son mari de beaux enfants. Chaba w smina, dit-on (grosse et belle) et si on ajoute, baydha (blanche, claire de teint) c'est le grand bonheur ! En Kabylie, le mot smina, qui désigne en arabe dialectal le gros, est donné comme prénom. Il est vrai aussi que ce mot, qui vient de smen (beurre clarifié) est symbole de bonheur et de vie aisée. Autres temps, autres m?urs : aujourd?hui, même si dans certaines familles on apprécie toujours les rondeurs, la mode est plutôt à la taille mannequin. Meqduda dit-on (la belle taille) ! Chez l'homme aussi, l'embonpoint était un signe de bonne santé et de vigueur ; il fallait, pour recevoir le label «bel homme», avoir une haute taille et de la corpulence. Aujourd?hui, on apprécie toujours ce genre d?hommes, mais comme pour la femme, la grosseur n?est plus une condition de la beauté. Au contraire, l?obésité, smana, est souvent tournée en ridicule. Les épithètes sont nombreuses pour stigmatiser les pauvres gros : smina (gros lard), tcheftchouf (lourdaud gonflé), tombro marikan (tombereau américain) ! Le tombereau est un grand camion destiné au transport de gros matériaux sur les chantiers : l'image n'est pas du tout flatteuse !