Réalité Les témoignages recueillis auprès des enfants et de certaines familles touchés par ce phénomène sont très significatifs. Samia, 10 ans, le sourire aussi étincelant que sa blouse, est maigre. «C'est qu'aujourd'hui, je n'ai rien pris pour mon petit-déjeuner» explique-t-elle. Pour cette fillette, issue d?une famille démunie et où sa mère et ses cinq frères et s?urs survivent grâce à une maigre pension que leur père daigne leur verser chaque fin de mois, aller à l'école le ventre plein relève de l'utopie. «Tous les soirs, j'aide ma mère à préparer les galettes, que mon frère se charge de vendre le lendemain. Je me couche, souvent, très tard, avec pour simple nourriture des pommes de terre bouillies. En classe, je ne comprends rien, je suis fatiguée toute la journée», témoigne-t-elle. Au service de pédiatrie du CHU Mustapha nous avons rencontré Baya, une mère de famille qui, sans hésitation aucune, décide de se confier à nous. «Mon fils Sofiane, qui a deux ans et demi, est très malade. Je voyais bien qu'il fallait faire quelque chose, mais quoi ? Je ne le savais pas. Depuis la mort de mon mari, je vis seule avec mes sept enfants. Je n'ai toujours pas réussi à toucher la pension que devrait me verser l'entreprise dans laquelle il travaillait. Je n'ai même pas d'argent pour acheter de quoi les nourrir et les vêtir ; alors, les soigner, vous pensez ! Il a fallu qu'il perde connaissance pour me rendre compte de la gravité de son état. Le médecin du service des urgences m'a expliqué qu'il était déshydraté à cause de la diarrhée et surtout de la malnutrition.» Sofiane n?est pas l'exception, ses frères et s?urs sont aussi dans un piteux état : «Voir mes enfants trop maigres et trop petits pour leur âge me pèse.»