Vide n Depuis plus de deux décennies, la société algérienne est minée par un déficit culturel effarant. En effet, point de conscience intellectuelle ni d?initiative favorable à l?émancipation et à l?épanouissement de l?individu. La société végète donc dans l?inanité culturelle et rien n?est fait, jusqu?alors, pour améliorer la situation, hisser l?individu vers la réflexion. Ainsi, «l'indigence culturelle de ceux qui ont ?uvré à introduire et développer une idéologie négatrice de la personnalité algérienne» constitue la thématique développée par Mostefa Lacheraf dans son livre Les ruptures et l'oubli : essai d'interprétation des idéologies tardives de régression en Algérie. Homme de culture et militant, Mostefa Lacheraf, soucieux d'illustrer une idée, de défendre une thèse, de livrer une connaissance, fait toucher du doigt la situation culturelle algérienne, situation marquée par le néant. Cette situation s?est accentuée ? et s?est même révélée désastreuse ? notamment après octobre 1988, époque à laquelle l?élan productif intellectuel de la société s?est brisé, ses capacités créatrices se sont amenuisées, voire éteintes. L?indigence se voit à perte de vue et dans tous les secteurs de l'activité humaine. L?Algérie, alors qu?elle suivait une courbe ascendante dans les années 1970, connaît, à partir de 1980, une déliquescence étonnante. Elle a fait une chute vertigineuse, devenant «un pays rudimentaire d'éternels apprentis». Mostefa Lacheraf renvoie le lecteur, dans son ouvrage, à des escales importantes de l'histoire de l'Algérie indépendante, des dates-clés, montrant comment ce vent de mauvaises passions, qui a balayé les pulsions créatives, a conduit le peuple algérien au désespoir, au gouffre et l?a fait stagner dans l?immobilisme et l?indigence. Il revient sur deux périodes éminentes de notre histoire : l?ère de Boumediene et celle de Boudiaf. Il explique que ces deux hommes, qui étaient à la tête de l?Etat algérien, avaient pour dénominateur commun l'édification d'une Algérie prospère, loin de toute anarchie, aliénation et sous-développement. Ces deux hommes, écrit l'auteur, «ont su prouver une nette prédisposition dynamique». Mais le destin, placé entre les mains des politiques se livrant à «l'aventurisme et aux marchandages antinationaux et alliances contre nature et suicidaires», en a décidé autrement. Un vent de violence et d'incertitude a soufflé sur le pays, l?entraînant dans la terreur et la suspicion.