Résumé de la 4e partie Cela faisait six jours que Hocine était parti. Sa mère, n?en pouvant plus d?attendre, demande à Ali, son beau-frère, d?aller à sa recherche. Une flaque d?eau s?est formée à ses pieds. Elle reste jusqu?à la nuit noire devant le feu, puis retire du bahut sa petite marmite qu?elle pose sur le foyer après y avoir versé un pot d?eau. Elle y plonge des betteraves qu?elle laisse cuire doucement avec leurs feuilles. Jamais elle ne s?est sentie aussi seule et désemparée, même pas à la mort du vieux. À ce moment-là, il y avait Hocine à ses côtés, encore petit garçon, mais il était là et sa vue seule lui mettait un peu de baume au c?ur. A la lueur de la flamme vacillante d?une petite bougie posée sur le bahut, Yamina retire la marmite du feu et s?empare des betteraves qu?elle malaxe dans une écuelle en bois. Elle y ajoute du sel, de l?ail et arrose le tout d?huile d?olive. Mais avant de prendre son repas, elle sort un moment et revient avec une énorme botte d?herbes sèches retirée de la remise, et la place devant ses vaches qui entreprennent de brouter goulûment. Malgré son extrême fatigue, elle a la force de faire ses ablutions et se met à prier, assise par terre, sans se relever, car elle ressent une vive douleur au dos. Puis, elle avale ses betteraves accompagnées d?un morceau de galette de seigle et finit par croquer un oignon, épluché avec les mains. La nuit est déjà bien entamée quand elle monte dans sa sedda et s?allonge sur la couche de son fils où elle a désormais l?habitude de dormir? «Mon Dieu, dit-elle tout haut, vous êtes Le Seul vers Qui je peux me tourner, protégez mon fils ! Ne me laissez pas seule en ce monde, je ne pourrais pas le supporter ! Si quelqu?un doit mourir, prenez-moi à sa place, mais laissez-le vivre, il est si jeune et n?a rien fait dans sa vie.» Elle veut pleurer pour sortir cette boule d?angoisse qui l?oppresse, mais ses yeux restent secs. Elle récite les deux seules sourate du Coran qu?elle connaît et qu?elle répète dans ses prières, à voix haute. Dehors, les rafales de vent font vibrer les panneaux de la fenêtre et la lourde porte de chêne. Puis, n?en pouvant plus, elle redescend dans le noir et, prenant à pleines mains la jarre d?huile posée près du bahut, elle en avale une bonne gorgée comme pour noyer son désespoir? Le lendemain matin, elle se rend très tôt chez sa s?ur. «Frère Ali est-il revenu ?», demande-t-elle à Zohra qui lui ouvre la porte, habituée maintenant à ses visites matinales. «Non, aucune nouvelle, mais ils ne vont pas tarder tous les deux. Ils sont certainement sur le chemin du retour? Garde confiance, Yamina ma s?ur, avec Diêlna, ton fils ne craint rien...» «Si seulement je pouvais savoir s?il l?a retrouvé. Cela fait trois jours que frère Ali est parti !» Zohra la regarde, inquiète. Yamina n?est plus que l?ombre d?elle-même. Ses yeux sont enfoncés dans ses orbites. En quelques jours, elle a fondu comme une bougie. Son visage est très pâle et ses belles couleurs ont disparu. Une grande pitié lui emplit le c?ur. Elle lui apporte une soupe de pois chiches chaude et l?oblige à manger un gros morceau de viande séchée. «Je ne peux rien avaler, ma s?ur !» «Fais-le pour moi ! Quand Hocine viendra, il aura de la peine en te voyant ainsi. Tu n?as plus que la peau sur les os ! Mange ! Aie confiance en Dieu.» Le lendemain, dans l?après-midi, Yamina aperçoit au tournant du chemin frère Ali qui monte la pente en s?aidant de son bâton. Seul. Elle reste clouée sur le seuil de la porte, puis, brusquement, se met à dégringoler le chemin, glissant dans la boue, tombant, se relevant, éperdue, à sa rencontre. Elle lui crie, de loin : «Frère Ali, frère Ali, as-tu trouvé Hocine ? Pourquoi n?est-il pas avec toi ?» Ses voisins accourent aussi, alertés par ses cris. Quand enfin elle arrive à sa hauteur, elle ne peut rester debout et s?assied dans la boue, craignant le pire. Ali s?accroupit près d?elle. Son visage est très pâle, ses traits sont tirés comme s?il n?avait pas dormi depuis longtemps. (à suivre...)