Résumé de la 1re partie n Lorsqu?un malheur arrive, il ne vient jamais seul. Ainsi, à 50 ans, Jérémie, placide, regarde sa femme et son enfant le quitter sans broncher. Il se met sur le toit de sa maison pour observer le cyclone qui avance vers la côte, quand, tout à coup, une forte rafale de vent balaye tout sur son passage... Jérémie est projeté au-dehors le souffle coupé. Aveuglé par le sable, le corps meurtri, il rampe comme il peut, sans savoir où il va. Mais les tornades sont si violentes et si rapprochées qu?il n?avance pas. Il reçoit d?immenses claques de vent. Ses mains cherchent vainement une prise. Il roule sur plusieurs mètres en avant, en arrière. Des branches volent au-dessus de lui, des hurlements transpercent ses oreilles, sa tête est folle, ses yeux aveugles. Il se redresse un peu, court pendant quelques mètres, roule encore, s?accroche vainement à une corde de hamac qui vient de lui gifler le visage. Il a voulu voir le spectacle, il ne le verra pas. Il ne peut que le subir, les paupières serrées avec force pour protéger ses yeux. Il lui semble que le vent déforme son visage avec violence, comme s?il voulait le détruire. Autour de lui, c?est la fin du monde. L?apocalypse, un spectacle grandiose et inhumain. Jérémie ne peut pas voir les maisons soulevées comme des plumes, les arbres arrachés chevauchant la mer. Le ciel tombe, l?eau se soulève, les hommes meurent, noyés, écrasés, emportés? Jérémie s?est cogné à quelque chose de dur, un palmier énorme qu?il a saisi à bras-le-corps. De toutes ses forces tendues, de toute son énergie, de toute sa peur, il s?y incruste. La corde, qu?il n?a pas lâchée, lui sert de lien. En s?arrachant les ongles, il réussit à la passer autour de l?arbre et de son propre corps. Il serre en aveugle, il se cramponne et il tient bon. Mal au ventre, mal aux bras, dos brisé, il reçoit pendant des heures toute la colère de la terre, de la mer et du ciel mélangés. La pluie n?est pas une pluie, c?est une accumulation de trombes d?eau qui déferlent sur lui? Le temps qui passe ne se mesure pas. Ce jour de juin 1906, un cyclone a dévasté San Fernando en deux heures de temps. C?était un petit cyclone ordinaire. La mer de Chine en connaît de plus terribles. Il n?y eut que vingt morts et une dizaine de bateaux perdus corps et biens, avec un ou deux rescapés ahuris et miraculés. Jérémie a lentement relâché son étreinte. La pluie qui tombe à présent est une vraie pluie, verticale et douce. Elle lave les plaies, les écorchures, elle lave les yeux du sable qui les brûle. La mer se calme à regret. Jérémie avance sur la plage encombrée d?épaves, des morceaux de sa maison, de débris de bateaux, d?arbres déchiquetés. Il regarde son cocotier avec reconnaissance. Il a tenu bon. Tous les autres sont pliés au sol. A part un. Un gros lui aussi. Il a perdu la plupart de ses branches, mais il est resté droit. C?est en levant les yeux sur lui que Jérémie aperçoit l?incroyable : un bébé dans un cocotier !? Comment est-il arrivé là-haut ? Pourquoi, ne pleure-t-il pas ? Comment ne tombe-t-il pas ? Un bébé ? Jérémie tente de grimper à l?arbre, mais il n?a plus de force. Voyant que les palmes qui retiennent l?enfant sont enchevêtrées, il risque le tout pour le tout en tirant sur le bout d?une palme, à mi-hauteur du tronc, il arrive à incliner légèrement le reste. L?enfant glisse. Jérémie se précipite et le reçoit dans ses bras comme un paquet. Sous le choc, il en tombe à la renverse. C?est un enfant d?environ un an, peut-être deux, Jérémie n?est pas bien fixé. Il respire, mais ses yeux sont clos. Alors Jérémie court, court. Il cherche un abri. Il faut sécher l?enfant et le ranimer. (à suivre...)