Menace n Ce qui vient de se passer sur le pont Al-Aïmah et dans le quartier de Kadhimayah risque de voir l?unité du pays emportée par les flots du Tigre. Déjà marquées par des tensions, exacerbées par les débats sur la Constitution, les relations entre les deux principaux courants de l'Islam en Irak risquent de s?aggraver. «Dans le contexte actuel, les gens verront les choses sous le prisme sectaire, ce qui risque d'alimenter l'animosité entre les deux communautés.» Des responsables chiites ont affirmé que la rumeur sur la présence parmi la foule de kamikazes avait été lancée délibérément pour provoquer la tragédie qui a été précédée par des tirs de mortier contre un mausolée chiite faisant sept morts civils et revendiqués par un groupe sunnite lié au réseau Al-Qaîda. Selon le ministre de l'Intérieur, Bayane Baqer Soulagh, un chiite, la panique a été provoquée par un «terroriste» qui a crié au kamikaze. «Ce sont des fidèles de Saddam Hussein et d'Abou Moussab al-Zarqaoui qui ont répandu la rumeur», a affirmé Mouaffak al-Roubaye, conseiller à la sécurité nationale, également un chiite. Dans les hôpitaux de Bagdad, où des centaines de chiites blessés étaient soignés, les victimes évoquent abondamment une conspiration en s'interrogeant sur l'attitude des autorités qui ont laissé un tel nombre de pèlerins enjamber le pont Al-Aïmah, alors qu'il était habituellement fermé. Le drame a provoqué une minicrise politique. «Je rends mes homologues de l'Intérieur et de la Défense responsables de ce qui s'est passé», a déclaré le ministre de la Santé Abdel Mouttaleb Mohammed Ali, proche de la mouvance du chef radical chiite Moqtada Sadr, avant de les appeler à démissionner. Le ministre de la Défense, le sunnite Saadoun al Doulaimi, dans une tentative de ne pas alimenter la querelle, a estimé que la drame «n'a rien à voir avec la religion». Mais bon nombre d'Irakiens craignent un sectarisme rampant. Les institutions de l'Etat sont dominées par des groupes ethniques ou religieux et la vie politique n'échappe pas à cette règle. Durant le mois d'août, les négociateurs sunnites ont résisté sur le projet de la première Constitution de l'après-Saddam Hussein, sans obtenir gain de cause sur plusieurs points, dont l'appartenance de l'Irak au monde arabe. Une version du texte a été finalisée le 28 août, mais les sunnites ont commencé déjà à fourbir leurs armes pour tenter d'empêcher qu'il passe au référendum du 15 octobre. Signe de ce clivage, une personnalité sunnite de premier plan, Adnane al-Doulaïmi, a demandé, mardi, la démission du ministre de l'Intérieur, accusant ses services d'implication dans le meurtre de 37 sunnites dont les corps ont été découverts jeudi dernier. «Jusqu'à présent, nous n'avons pas d'hommes politiques responsables, nous n'avons que des (personnes) agissant par intérêt sectaire», note M. Al Doulaïmi , ajoutant que seule l'influence du plus grand dignitaire religieux chiite, le grand ayatollah Ali Sistani, avait empêché, jusqu'à présent, les chiites de se livrer à des représailles contre les sunnites.