En rentrant de son bureau, ce soir-là, Nadine est nerveuse, irritable ; la journée a été parsemée de désagréments de toutes sortes. Encore une de ces journées où l'on se dit «que l'on aurait mieux fait de rester couché». «Et ce n'est pas fini», pense la jeune femme en voyant l'attitude de son mari. Depuis quelques mois, le couple bat de l'aile. Un proverbe dit : «Quand il n'y a plus d'avoine à l'écurie, les chevaux se battent.» C'est un petit peu ce qui se passe dans le ménage Brissot. Marc a été licencié d'une importante compagnie et voilà trois mois qu'il cherche en vain du travail. Vivre sur le seul salaire de Nadine n'est pas fait pour arranger le caractère ombrageux du mari. Tout est prétexte à disputes et, ce soir ne va pas faire exception, bien au contraire. Un potage trop salé et c'est le départ d'une scène qui prend très vite des proportions hors de mesure. «Eh bien, tu n'as qu'à faire la cuisine toi-même ! Tu as tout ton temps puisque tu ne fais rien de la journée. C'est facile.» Le mari réplique que ce n'est tout de même pas sa faute s'il ne trouve pas de travail. Il ajoute qu'il sent bien que Nadine le supporte mal depuis quelque temps. «Si tu as un autre homme dans ta vie, dis-le.» Au comble de l'exaspération, Nadine saisit la balle au bond. Elle s'invente une liaison imaginaire. Un amant ? Eh bien, oui, elle a un amant. Et alors ? Quoi de plus normal avec un mari tel que lui ? Marc se précipite sur sa femme. Les coups pleuvent. Dans un geste de défense instinctif, Nadine saisit la première chose qui lui tombe sous la main et le frappe à la tête. Touché à la tempe, le mari s'effondre, foudroyé. Horrifiée par le geste qu'elle vient de faire et constatant que Marc ne donne plus aucun signe de vie, Nadine s'affole. Un instant, l'idée de prévenir la police lui vient à l'esprit et puis la peur du châtiment prend le dessus, elle n'a plus qu'une idée : s'enfuir, s'enfuir le plus loin possible de ce qu'elle pense être les lieux de son crime. Jérôme Moulinier a deux heures à perdre. Son avion ne part qu'à vingt-deux heures pour Marseille. Pour une fois, il a tout son temps ! Son nouveau poste de directeur adjoint l'accapare beaucoup. C'est une lourde responsabilité, mais les avantages sont appréciables. Son divorce vient d'être prononcé et la pension qu'il doit verser pour sa fille est un rude handicap ; il ne la verra plus que le week-end, tous les quinze jours, et une partie des vacances. Tandis qu'il s'attarde à la voiture d'un marchand de jouets, dans le reflet de la vitre, une silhouette de femme attire son attention... Nadine ! Voilà six ans qu'il ne l'a pas vue et il l'a reconnue du premier coup d'?il. Jérôme Moulinier a eu une passion pour elle et leur liaison a duré presque un an. «Nadine !» Interpellée, la jeune femme se retourne. Ils tombent dans les bras l'un de l'autre et, quelques instants plus tard, ils sont assis à la terrasse d'un café. Au fil de la conversation, Jérôme se rend bien compte que Nadine a quelque chose qui la préoccupe. Questionnée, elle se refuse à répondre. Et puis, d'un seul coup, la jeune femme craque et dit tout. La première réaction de Jérôme est de conseiller d'appeler la police et puis, la réflexion aidant, il la rassure. «On ne tue pas un homme aussi facilement que ça ! Après tout, il n'était peut-être qu'évanoui ? Tu devrais retourner voir.» L'idée de revenir chez elle plonge Nadine dans une nouvelle crise de larmes. Magnanime, Jérôme se propose de l'accompagner. Même s'il rate son avion, il y en a un autre à vingt-trois heures. Après avoir hésité, la jeune femme accepte la proposition de son ex-chevalier servant. De toute façon, Jérôme a raison, la fuite est une mauvaise solution. On ne gagne jamais rien à refuser ses responsabilités. (à suivre...)