Message n Fidèle à ses origines, le nouvel homme fort du pays a voulu, peut-être, adresser un message à ses compatriotes, mais aussi au monde entier, en célébrant son investiture dans un culte purement indien. Pieds nus, vêtu d'un poncho rouge et ceint d'une couronne de fleurs blanches, le président élu de Bolivie, Evo Morales, a été intronisé, samedi, «chef suprême des Indiens» des Andes par les prêtres du Soleil Aymaras sur le site des ruines pré-incas de Tiwanaku. Quatre prêtres du Soleil ont célébré une cérémonie mythique destinée à transmettre au futur chef de l'Etat, issu de l'ethnie Aymara majoritaire en Bolivie, une «énergie positive» et des «pouvoirs telluriques et spirituels» pour l'aider à accomplir son mandat présidentiel de cinq ans. «El Evo», comme l'appellent familièrement les Indiens Aymaras, a été salué à son arrivée à Tiwanaku par des milliers de paysans qui scandaient : «Vive Evo» et «Uka jacha uru juxtaposable» (Le grand jour est arrivé, en aymara). De nombreux paysans, mastiquant de la coca, petite feuille revigorante des Andes, brandissaient des «wipalas», drapeaux aux couleurs de l'arc-en-ciel représentant les ethnies de la Bolivie, avec 9 millions d'habitants un des pays les plus pauvres du continent. Bravant un froid vif venant du lac Titicaca tout proche, ils étaient venus très tôt, à pied, en charrette ou en autobus pour assister à la cérémonie. Cette cérémonie indienne traditionnelle et mythique, à laquelle n'avait jusqu'ici participé aucun des 65 présidents blancs ou métis qui ont gouverné la Bolivie, avait commencé, samedi, en présence de 20 000 paysans de l'Altiplano dans un temple de l'ancienne cité de Tiwanacu (70 km de La Paz), située à 3 860 mètres d'altitude. Officiellement, Evo Morales prêtera serment ce dimanche au parlement à La Paz en présence de dix présidents latino-américains, dont le Vénézuélien Hugo Chavez, l'Argentin Nestor Kirchner et le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, et d'une centaine d'invités de marque. «Aujourd'hui un jour nouveau se lève pour les peuples indigènes», a lancé Evo Morales. «Une nouvelle vie où nous chercherons l'égalité et la justice, une ère nouvelle pour les peuples du monde», a-t-il ajouté. «Je suis convaincu qu'avec seulement la force du peuple, avec son unité, nous allons en finir avec le modèle colonial et le modèle néolocal.» «Nous allons avoir besoin du peuple. Je l'invite à me corriger en permanence, nous pourrons nous tromper, mais jamais trahir la lutte du peuple bolivien. Les indigènes sont les propriétaires absolus de cette terre», a martelé Morales en rappelant qu'il fallait suivre l'exemple de Che Guevarra, le guérillero argentin tué dans les maquis boliviens en 1967. La cérémonie d'investiture sera couverte par environ 1 500 journalistes nationaux et étrangers, selon le ministère des Relations extérieures. L'Union européenne sera représentée par Javier Solana et les Etats-Unis par Tom Shannon, le sous-secrétaire d'Etat pour l'Amérique latine. Le prince Felipe d'Espagne et la ministre française déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, Brigitte Girardin, assisteront à l'investiture.