Raymond ne sait plus où il en est... Marilyn, sa petite Marilyn est en prison. A dix-neuf ans... Il n'avait jamais pensé que les choses puissent tourner comme ça... S'il avait su, il n'aurait pas porté plainte. Mais il a porté plainte contre sa propre enfant, et par l'implacable logique de la justice, Marilyn, son petit ange, se retrouve derrière les barreaux. Quelque part, la tendresse aveugle de Raymond, au lieu de préparer un ange à affronter les épreuves de la vie, cette tendresse a fabriqué un monstre complètement dénué de sens moral, une machine à tuer sous l'apparence d'une jolie fille. Raymond est chauffeur de poids lourd et son travail, dans la période bénie des années soixante-dix, l'emmène souvent bien au-delà des frontières. Belle occasion pour faire découvrir le monde à la petite Marilyn. Au moment des vacances scolaires, Raymond propose donc à sa gamine de l'accompagner sur les routes d'Europe. Et Josette, la mère de famille, le cœur un peu serré, les voit s'éloigner tous les deux pour de longs voyages. Mais, au bout du compte, ils finissent toujours par rentrer à la maison, les yeux pleins d'images pittoresques, la mémoire pleine d'anecdotes, de charmantes aventures, de fous rires. De bons moments que la famille revit en rangeant les photos dans les albums. Une famille heureuse. Marilyn grandit : ses résultats scolaires sont bons. Elle est décidément jolie et soigne sa forme physique en s'adonnant avec passion aux joies de la natation. Elle est même très bonne dans cette discipline : ses professeurs l'encouragent et, chaque dimanche, elle aligne des longueurs de bassin. Ses parents, pour la suivre de plus près encore dans ses progrès, ont appris à chronométrer les performances de la petite. Après la natation, les promenades, les balades à vélo. Quand on les voit passer, pas de doute, Marilyn attire tous les regards — jolie, sportive, réservée. Bah, le temps des garçons viendra plus tard. Pour l'instant, Marilyn est parvenue en sélection nationale. Peut-être une future championne, peut-être la gloire des premières pages des journaux, les jeux Olympiques... La notoriété dans les journaux, Marilyn va y parvenir, mais par un tout autre moyen. Un jour, cette enfant, plus que sage, croise le regard de Francis, un joli blond de vingt-deux ans. Il faut dire que Francis, dont on ne sait pas vraiment d'où il sort, fait tout pour qu'on le remarque et surtout pour que les filles prennent conscience de son existence : au volant d'une «tire» bricolée, hors d'âge, tonitruante, il parcourt le plus vite possible les rues de la cité en faisant hurler la radio qui orne son tableau de bord. Marilyn découvre soudain qu'il existe des garçons dont l'existence ne se déroule pas entre papa, maman, la piscine et les cours de secrétariat du lycée. Elle ignore qu'il est bagarreur, qu'on ne connaît que lui au commissariat de police, qu'il vit de petits boulots plus ou moins louches. Marilyn fait la connaissance de Francis. Il l'intéresse... pour son plus grand malheur. Francis, de son côté, est vivement intéressé par cette jolie blonde, vedette de son collège, qui ressemble un peu à Nathalie Baye. Quel joli morceau pour son tableau de chasse !... Marilyn, sortie du cocon familial, est fascinée par les propos révoltés de Francis ; il en veut à la société qui lui reprend tout l'argent qu'il gagne. Il veut «recommencer à zéro» alors qu'il n'a pas encore commencé ! Il aimerait partir en Australie, il voudrait se payer une Porsche, seule voiture vraiment digne de ses compétences. Il voudrait la télé couleur, un magnétoscope, une chaîne hi-fi... Marilyn frémit d'aise devant ce garçon qui a tant besoin qu'on l'aime... (à suivre...)