Scène n Il faut multiplier et libérer les initiatives individuelles pour assurer le renouveau. Le théâtre algérien s'essouffle, suffoque et se restreint strictement à un mimétisme vain des vieux schémas autrefois opérants. Il s'agit d'un théâtre poussiéreux, littéralement folklorique, tombant dans le désuet et l'inexpressif. Or face à cette réalité fort navrante, l'on assiste à l'émergence d'une nouvelle génération de gens du théâtre, une génération jeune, débordant d'ardeur et d'enthousiasme, et notamment d'inspiration et de naturel dans l'expression scénique. Un jeu se voulant sensible et fluide, souple et vivace. Ces nouvelles figures des planches apparaissent comme telles dans «El Rabitos», une pièce présentée vendredi à la salle El-Mougar par les étudiants de l'Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audiovisuel (Ismas). Ce spectacle de fin d'études qui vient couronner une formation de quatre ans révèle une mise en scène convenable et surtout atteste de la présence de jeunes comédiens qui, en réinvestissant l'espace scénique, se le réapproprient pour le recréer selon leur personnalité qui se veut considérable et remarquée. Ainsi, la scène prend des proportions substantielles et le jeu devient plus séduisant. La pièce – un texte écrit par Dario Fo, adapté et mis en scène par Amor Saâdaoui — retrace les abus du pouvoir qu'exercent certains agents de l'ordre qui se caractérisent par une sévérité rigoureuse, créant ainsi un désordre total dans le travail ainsi que dans l'exercice de la justice. Elle est interprétée en arabe classique, ce qui aurait pu perturber les habitudes langagières du public, ce registre linguistique lui paraissant pédantesque et parfois inintelligible, mais ce n'est pas le cas. Car l'intérêt de la pièce n'est point le langage puisque l'on est dans une situation où la langue ne pèse pas sur son déroulement, mais c'est plutôt le jeu qui rend la pièce ou notable ou irrecevable. Et le jeu de ces jeunes comédiens, venant juste de finir leur formation, s'avère correct et intéressant. L'on peut alors espérer une restauration de la pratique théâtrale. Mais faudrait-il laisser ces jeunes talents agir en faveur du théâtre en leur offrant les diverses possibilités de s'épanouir. Ce n'est pas les prendre en charge en les assistant ou encore en les consignant dans un cadre restreint, schématique qui, à coup sûr, risquerait de les jeter dans une léthargie décourageante, mais les laisser tout bonnement œuvrer selon leur inspiration et agir en toute liberté dans la création. Car la liberté y compte énormément. Sans elle point d'imagination ni d'initiatives. Il faudrait pour cela multiplier les espaces et initier les rencontres. Il faudrait impulser une dynamique nouvelle mettant en avant ces jeunes talents désirant travailler à partir de nouvelles données, dans une contemporanéité agissante et avec une sensibilité sincère et profonde. Ce qu'il faut savoir, c'est que le renouveau ne peut provenir des professionnels. Tout ce qu'un professionnel peut — et tout ce qui lui reste à faire —, c'est de permettre à cette nouvelle génération, voire cette jeunesse, de prendre le relais, la laisser inconditionnellement intervenir dans l'exercice théâtral et s'y exprimer pleinement.