Ses yeux brillent, un sourire triste se dessine sur son visage ridé lorsqu?elle nous parle de sa s?ur Fatima. «J?ai vécu un drame familial», dit-elle le regard embué. Fatima était mère de trois enfants. À 45 ans, elle est tombée grièvement malade. Cela a commencé avec l?apparition de ganglions au niveau du cou. Auscultée au CHU Mustapha, on lui a fait une biopsie (des prélèvements pour effectuer des analyses et déterminer le mal). Selon le médecin traitant, les résultats attestaient qu?elle souffrait d?un lymphome. «On devait lui faire trois prélèvements ainsi que d?autres analyses dans des laboratoires différents pour établir un diagnostic fiable. Ce qui n?a pas été le cas.» Suivant les recommandations de son médecin, Fatima venait de Tizi Ouzou pour ses séances de radioscopie qui, seules, pouvaient la guérir sans aucun problème, lui avait affirmé son praticien. «Imaginez que depuis janvier 2002, et ce, jusqu?au mois d?août de la même année, ma s?ur suivait ces séances, elle a été brûlée partout par les rayons. Elle a notamment perdu le goût et la salive, alors que c?était une enseignante ; la pauvre, elle devait à chaque fois boire pour pouvoir parler.» Mais Fatima n?était pas près de sa délivrance. Les ganglions du cou se sont propagés dans sa tête et un autre apparut sur son dos. Le médecin ahuri l?a orientée d?urgence vers l?hôpital Mustapha pour qu?elle entame une chimiothérapie. Le médecin de l?hôpital qui l?a reçue a été «blessé» dans son «amour-propre» et a refusé même les conseils d?un médecin plus jeune que lui et qui avait réussi à localiser le foyer des ganglions. «Il n?a pas de leçons à me donner», avait-il lancé à l?adresse de Fatima en lui recommandant de rentrer chez elle, car elle se portait bien et qu?elle n?était pas aussi malade que l?a «prétendu» son confrère. «Durant quatre mois, nous venions toutes les semaines implorer les médecins de l?hôpital pour qu?ils prennent en charge ma s?ur, en vain. Pendant ce temps, les ganglions se répandaient et lui ont rongé même la colonne vertébrale. C?est alors que l?époux de Fatima, ivre de colère, en voyant la dégradation de l?état de sa femme, a fait un scandale aux médecins pour que ces derniers daignent l?écouter.» Fatima était devenue tordue et bossue, elle avait perdu beaucoup de poids. Elle avait mal partout. Après l?acharnement et l?intervention de ses proches, la famille de Fatima réussit à lui avoir une prise en charge en France. Le professeur traitant de l?hôpital Mustapha a alors établi un bilan général de l?état de santé de la malade à la demande de sa famille. Il l?a rassurée encore une autre fois que la patiente était en parfait état de santé et qu?elle était en rémission. «Nous étions très heureux. Nous avions cru que c?était vraiment fini, surtout que le jour où on l?avait transportée à l?hôpital c?était celui des inondations de Bab El-Oued, on avait réussi à la transporter à l?aéroport. On s?est dit que des gens mourraient alors que nous nous arrachions Fatima aux griffes de la mort !». Dure sera la dernière nouvelle. En France, les médecins ont informé la famille que Fatima était au dernier stade de sa maladie et qu?elle souffrait d?un cancer de cavum, et non d?un lymphome, erreur de diagnostic, donc erreur de traitement. Les médecins ont tenté un traitement de choc, la dernière chance de Fatima, mais la pauvre femme a eu des complications, trois mois après, elle est décédée, un certain 25 mars 2002, elle avait 48 ans. «On a contribué à tuer ma s?ur. Déposer plainte, pourquoi faire et cela m?apportera quoi ? Je préfère m?en remettre à Dieu.»