Misère n «Je n'ai jamais vu la mer, hormis à la télévision. Je préfère cette occupation qui me rapporte un petit revenu, au lieu de courir les rues sans but.» C'est ce qu'a déclaré H'mida, un enfant de Batna-ville, pour expliquer ce besoin d'aider sa famille. Il fait partie de ces enfants, en âge d'aller à l'école, qui occupent les rues les plus fréquentées de la ville durant les vacances scolaires et surtout en été pour proposer aux passants chewing-gums, gaufrettes, graines de tournesol ou autres produits, qui leur permettent de constituer un petit budget, avant la rentrée scolaire. Nombre d'entre eux, issus de familles nécessiteuses, prennent goût à ces activités commerciales d'adultes. Il arrive que des novices, qui se lancent dans le commerce de produits tels que les cacahuètes, se rendent compte, au bout de quelques jours, qu'ils ont «grignoté» leur capital et que ce «métier» exige à la fois de la patience et de la sobriété. Des vendeurs, un peu plus âgés et sûrement plus mûrs, avec le souci constant de récupérer rapidement un capital emprunté non sans difficultés et qui doit être remboursé au plus vite, font du porte-à-porte pour vendre de la vaisselle à des ménagères contentes de l'acquérir à domicile. D'autres préfèrent se déplacer de quartier en quartier pour vendre des fruits qu'ils proposent «sur une poussette» flanquée d'une balance. C'est ainsi que Hassan, qui s'apprête à passer le baccalauréat, espère amasser, durant les vacances, de quoi faire face aux dépenses scolaires, pour lui et ses trois frères. Hamza, quant à lui, affirme qu'il s'est spécialisé dans la vente des figues de barbarie. Il dit être motivé par le désir de décharger son père, au revenu modeste, de nombreuses dépenses indispensables pour la petite famille. Le petit H'mida, lui, vend, depuis trois années, des sachets en plastique au marché de la cité des Frères-Lambarkia. D'autres enfants des campagnes viennent en ville pour vendre les produits agricoles et arboricoles de leur terre, souvent des fruits de saison comme les pommes, les poires, les abricots ou parfois de l'ail, en pratiquant, sous le prétexte de meilleure qualité, des prix élevés. Certains jeunes, qui s'adonnent précocement aux petits commerces dans la rue, ne sont pas forcément dans le besoin ; ce serait plutôt une vocation et, parmi eux, il y aurait, dit-on, peut-être de futurs grands commerçants.