Activité n Composé de plusieurs salles séparées, le restaurant de la Rahma de La Casbah, situé au sous-sol du siège de l'APC, ressemble à une véritable fourmilière où tout le monde s'active. «On travaille douze heures par jour, de 9h jusqu'à 21h», déclare Younès Bouzeghaya, responsable des œuvres sociales. Il n'est que 14h 20 les tables sont déjà dressées. Dans la cuisine, six femmes s'occupent des repas. Elles se préparent à l'assaut des jeûneurs qui vont affluer en masse à l'heure de l'adhan. L'une des cuisinières dit que le travail est fatigant, mais qu'elle le fait avec plaisir. «Hassana.» «Ils seront plus de 300 aujourd'hui», annonce M. Fodhil, attaché d'administration. Vers 17h, un lot de fromage arrive de la part d'un donateur. «Il vient chaque jour, depuis le début du ramadan, pour apporter des provisions à la cuisine», affirme M. Fodhil, admirateur. Il insiste sur le fait que les services d'hygiène contrôlent tous les jours la qualité de la nourriture servie. Des opérations d'inspection surviennent à l'improviste. «Cela fait plaisir de voir qu'il y a des gens qui font bien leur travail.» Le repas du jour est composé de kebab, chorba frik, salade verte et une poire au dessert. A l'entrée de l'APC, les gens sont de plus en plus nombreux. Il est 17h 10, parmi la foule on distingue des femmes et des hommes qu'on a l'habitude de voir dormir à même le sol sur les places publiques d'Alger. Rides au visage, le regard triste, ce sont des quadragénaires ou quinquagénaires au chômage. Comme Saïd et Amar, tous deux maçons. «Cela fait des mois qu'on n' a pas trouvé de travail», raconte Saïd. Par ailleurs, des jeunes correctement vêtus viennent, eux aussi, pour manger : des étudiants non satisfaits de la qualité des repas servis dans les cantines universitaires, de jeunes chômeurs qui viennent d'autres régions du pays… D'autres sont des malheureux que le hasard a amenés. C'est le cas de Mohamed, 23 ans, qui dit avoir quitté sa maison, à Mascara, à cause des problèmes familiaux. A côté de lui, son compagnon, 19 ans, est venu de Constantine pour chercher du travail. Les employés de l'APC discutent avec ces jeûneurs infortunés. Ils essaient de leur apporter un soutien moral. Ils plaisantent, parlent et se tapent dans le dos comme de vieux amis. Les agents de l'APC font de leur mieux pour que leurs invités occasionnels se sentent le plus à l'aise possible. «Notre rôle est de faire manger ces pauvres sans perdre de vue leur sensibilité, d'où l'importance de l'accueil» tient à mentionner M. Bouzeghaya. Il est 18h, les choses s'accélèrent. Par vagues successives de 25 personnes on fait rentrer la foule dans les salles à manger, les femmes d'un côté et les hommes de l'autre. Ils attendent l'appel à la prière. Face à leurs plateaux garnis, ils patientent tout en papotant. 18h 30, l'appel à la prière est lancé et le jeûne est rompu, sauf pour les employés de l'APC qui continuent à servir. Un quart d'heure plus tard, la salle commence à se vider. Progressivement, n'y restent plus que les employés. C'est l'heure du nettoyage. A 21h, ils quittent à leur tour les lieux pour revenir le lendemain, entamer une nouvelle journée de partage et d'assistance.